Alors on danse
De CARRIE à ÇA en passant par SHINING, MISERY ou LA LIGNE VERTE, le cinéma s'est souvent emparé des livres d'horreur et thrillers mystérieux du maître du genre, Stephen King. Mais c'est une autre facette de l'écrivain américain que l'on découvre avec LIFE OF CHUCK (ce mercredi 11 juin sur les écrans), film poétique et émouvant tiré d'une de ses nouvelles parue en 2020, où l'horreur laisse la place à une réflexion philosophique sur le sens de la vie.
L'histoire raconte la vie d'un homme, Charles Krantz, dit Chuck, en trois parties chronologiquement inversées. On entre donc dans le film par l'acte-3, le plus déroutant, proche d'un récit de science-fiction: la fin du monde est proche, vécue par un professeur de littérature, Marty (Chiwetel Ejiofor).
Chaos pré-apocalyptique
Un séisme de magnitude 9,1 vient de dévaster la Californie, il n'y a plus d'Internet et bientôt de chaînes de télé, les habitants abandonnent leurs voitures dans les rues, la famine ravage l'Asie, un volcan s'est réveillé en Allemagne, la canicule accable Tokyo, les suicides se multiplient, les abeilles ont disparu de la planète…
Dans ce chaos pré-apocalyptique, Marty n'arrête pas de croiser des affiches sur les murs avec le visage d'un homme et ce message: "Charles Krantz. 39 merveilleuses années! Merci, Chuck!". Le message est tagué sur des murs, on peut le lire en traînées de fumée blanche dans le ciel, la tête de l'homme apparaît sur des vitres de maison lumineuses.
Danse
Qui est ce Charles Krantz? On le découvre dans la dernière partie de sa vie, dans l'acte-2, le plus court. C'est un banal comptable de banque (Tom Hiddleston, le Loki des films Marvel), marié, père d'un adolescent, qui, un jour, à la sortie d'un congrès, passe devant une musicienne de rue et décide de laisser son attaché-case et d'improviser une danse devant les passants –la scène (un peu longue) la plus symbolique du film.
Et l'acte-1, le plus long et le plus poignant, explique cette scène de danse: quand il était enfant, Chuck (Benjamin Pajak), orphelin après la mort accidentelle de ses parents, a appris à danser avec sa grand-mère, qui l'a élevé avec son grand-père (Mark Hamill, le Luke Skywalker des STAR WARS), féru de mathématiques mais détenteur d'un lourd secret…
Suspense
C'est avec ce suspense que le mystère apparaît en fin de film, où la boucle se referme sur les trois épisodes de cette vie de Chuck. Le récit, empreint de moments d'émotion filmés avec délicatesse, évoque la maladie, la fin de vie, les questions existentielles que posent l'humanité et l'existence, le destin, les choix de chacun.
Ces thèmes ne sont pas d'une gaité folle mais le réalisateur, Mike Flanagan, n'a vu que de l'optimisme dans la nouvelle de Stephen King. "L’une des grandes surprises que j’ai eue en lisant la nouvelle a été de constater à quel point le ton était lumineux et plein d’espoir. À bien des égards, il s’en détachait une véritable célébration de la joie et de l’art", dit-il.
Confinement
"Je l’ai lue pendant le confinement en 2020", ajoute-t-il, et "je réagissais à cette histoire de fin du monde en ressentant des émotions qui, depuis la pandémie, sont certainement revenues au premier plan pour beaucoup d’entre nous. Le sentiment que le sol se dérobe sous nos pieds, que le chaos grandit. Tout cela était présent, mais sans désespoir ni cynisme, et c’était le point de départ d’une histoire qui s’est finalement révélée être une célébration incroyablement joyeuse de ce que signifie être en vie".
C'est le huitième film de Mike Flanagan, spécialisé dans l'horreur et le thriller, après ABSENTIA (2011), THE MIRROR, PAS UN BRUIT, NE T'ENDORS PAS, OUIJA: LES ORIGINES et surtout deux adaptations de romans de Stephen King: JESSIE (2017) et DOCTOR SLEEP (la suite de SHINING, 2019).
Pour ce LIFE OF CHUCK, comme Stephen King il a mis de côté l'horreur et l'épouvante. Mais pas pour longtemps: il travaille actuellement à un remake de CARRIE en série pour Amazon Prime Vidéo et c'est lui qui devrait réaliser le nouvel épisode de la saga L'EXORCISTE, projet retardé (le film devait sortir en mars 2026) mais toujours d'actualité selon lui.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je suis vaste, je contiens des multitudes" (citation tirée d'un poème de Walt Whitman, 1819-1892, prononcée plusieurs fois dans le film).
("The Life of Chuck") (États-Unis, 1h50)
Réalisation: Mike Flanagan
Avec Tom Hiddleston, Mark Hamill, Chiwetel Ejiofor
(Sortie le 11 juin 2025)
Retrouvez cet article, ainsi que l'ensemble de l'actualité culturelle (musique, théâtre, festivals, littérature, évasion)
sur le site