La fuite de deux adolescents qui s'aiment
Deux adolescents mentalement instables tombent amoureux et s'enfuient dans la forêt pour échapper au monde des adultes dans ADORATION, le sixième long-métrage du réalisateur belge Fabrice Du Welz.
Paul est un garçon de 14 ans solitaire et un peu simple, qui vit avec sa mère près de la clinique psychiatrique dans laquelle celle-ci travaille, en pleine forêt, au milieu d'un grand parc. C'est un garçon sensible, introverti, en manque de compagnie malgré l'amour de sa mère et dont le seul ami est un oiseau tombé du nid et apprivoisé qui vit sur son épaule.
Un jour, dans le parc, il fait la connaissance d'une fille de son âge, Gloria, à la belle robe rouge, nouvelle patiente de la clinique, qui se dit orpheline. "Elle est malade dans sa tête, dangereuse", prévient la mère de Paul. "Il faut que tu gardes tes distances. C'est pas ta copine". La directrice de la clinique en rajoute: "Elle voit des choses que personne ne voit. Elle est dans un monde un peu parallèle".
Mais rien n'y fait, ils continuent de se voir. Elle est très jolie. Il est très gentil. Il tombe amoureux d'elle. Il a un sourire un peu niais. Elle a un sourire un peu inquiétant. Après un événement dramatique, ils s'enfuient tous deux dans la forêt, pour retrouver le grand-père de Gloria en Bretagne…
Entre poésie et angoisse, ce "conte cruel", comme le qualifie son réalisateur, raconte "un amour total, un amour absolu", ce qui explique son titre. "Tomber amoureux à 14 ans, c’est dévastateur. C’est un sentiment tellement fort, puissant, destructeur mais aussi constructeur et bouleversant. Ce gamin va au bout de cet amour total, il le vit comme un acte de foi. Je voulais éviter la mignonnerie, le côté moralisateur et plein de bons sentiments. J’avais envie d’un film qui soit à l’aune de la passion, du chamboulement de ce gamin".
Dans une atmosphère pesante au début, ce road teen movie, filmé parfois caméra à l'épaule, avec gros plans sur les personnages, traîne en longueur dans sa seconde partie, tout au long des différente étapes de la fugue des deux ados. Il y a cependant de jolis moments poétiques, de la sensibilité à fleur de peau et une part de suspense dans le scénario: on ne sait pas si cela va bien ou mal finir –ou ni l'un ni l'autre, et peut-être qu'on s'en moque un peu…
Car c'est la relation entre Paul et Gloria, cette complicité face aux adultes, cet amour pur (et platonique) qui importent. Ils sont amoureux fous, l'amour fort et la folie douce se mêlant dans leurs têtes. "Ce qui m’anime dans mon cinéma, c’est l’état amoureux, la toxicité de l’amour, la dépendance, la folie, la jalousie, la manipulation, la sexualité même si on est dans l’éveil avec Adoration", dit Fabrice Du Welz.
Sa caméra ne quitte presque jamais les deux adolescents, interprétés par Thomas Gioria (vu dans JUSQU'À LA GARDE de Xavier Legrand) et Fantine Harduin (qui a joué dans HAPPY END de Michael Haneke). Sur leur route, tous deux croisent plusieurs personnages dont un ermite solitaire, fatigué par l'existence, qui vit dans une caravane, interprété par Benoît Poelvoorde (vu récemment dans SAINT-AMOUR, LE GRAND BAIN, RAOUL TABURIN), un personnage pas très nécessaire dans le scénario mais qui ajoute un peu de mystère et d'émotion.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Il suffit d'un peu d'imagination pour que nos gestes les plus ordinaires se chargent soudain d'une signification inquiétante. Pour que le décor de notre vie quotidienne engendre un monde fantastique. Il dépend de chacun d'entre nous de réveiller les monstres et les fées" (citation de Boileau-Narcejac mise en exergue au générique de début).
(Belgique, 1h38)
Réalisation: Fabrice Du Welz
Avec Thomas Gioria, Fantine Harduin, Benoît Poelvoorde
(Sortie le 22 janvier 2020)