Ridley Scott a de la suite dans les idées
Ridley Scott aime son bébé. Trente-huit ans après son chef d'œuvre ALIEN, LE 8E PASSAGER (1979) et cinq ans après PROMETHEUS (2012) qui en était le préquel, le réalisateur britannique donne quelques explications supplémentaires sur les origines du monstre extra-terrestre le plus célèbre et le plus terrifiant de l'histoire du cinéma dans ALIEN: COVENANT.
Ce sixième épisode de la saga est loin d'être le plus mauvais, il tient en haleine pendant deux heures et renouvelle l'horreur interstellaire tout en revenant aux origines du premier film. Après celui-ci en 1979, Ridley Scott avait laissé des réalisateurs prestigieux raconter la suite (James Cameron en 1986 pour ALIENS, LE RETOUR; David Fincher en 1992 pour ALIEN3; Jean-Pierre Jeunet en 1997 pour ALIEN, LA RÉSURRECTION) avant de reprendre le vaisseau en main en 2012 pour PROMETHEUS, dont l'histoire se situait avant ALIEN, LE 8E PASSAGER.
Suite du préquel: ALIEN: COVENANT se déroule 10 ans après PROMETHEUS, en 2104. Le vaisseau spatial Covenant (en anglais ça signifie "contrat", "engagement") est en route pour la lointaine planète Origae-6 afin d’y établir une colonie, un nouvel avant-poste pour l’humanité. À bord, tout est calme. L’équipage de 15 personnes et les 2.000 passagers futurs colons sont en hyper-sommeil, des dizaines d'embryons congelés dorment dans des tiroirs, et seul Walter, l'androïde synthétique (Michael Fassbender), arpente les coursives et veille au bon fonctionnement du voyage en dialoguant avec l'ordinateur central qu'il appelle "Mother".
Mais lorsqu’une explosion stellaire détruit les capteurs d’énergie du vaisseau, les avaries et les pertes humaines sont énormes, dont celle du commandant, le capitaine Jacob (James Franco). Walter réveille les membres de l'équipage, qui pour la plupart sont en couple. Alors que la femme du capitaine Jacob, Daniels (Katherine Waterston), ingénieur en écologie, pleure la perte de son mari, c'est le second, Christopher Oram (Billy Crudup), qui prend le commandement.
Très vite, il va avoir à prendre une décision importante. Le Covenant reçoit un message par ondes lui signalant la présence, à quelques semaines de distance, d'une planète que l'ordinateur central décrypte comme similaire à Origae-6 –qui, elle, nécessite encore plus de 7 ans de voyage. Malgré l'opposition de Daniels, Oram décide de dérouter la mission vers cette nouvelle planète inconnue.
À bord d'une navette, 12 des membres d'équipage y débarquent, alors que les 3 autres restent à bord du Covenant. La planète a une atmosphère respirable, des lacs, des montagnes, des forêts, un immense champ de blé. "Qui l'a planté?", s'interroge Daniels, qui remarque aussi l'étrange silence de ce petit paradis vierge: ni oiseaux, ni animaux… Bien sûr, les 12 membres d'équipage ne se doutent pas de ce qui les attend, et vont vite découvrir la réalité infernale de cette planète paradisiaque…
Pour ce nouvel épisode de la saga ALIEN, Ridley Scott avait envie… de sang, raconte l'un des producteurs, Mark Huffam: "La première chose qu’il nous a dite, c’est qu’on allait faire un film interdit aux moins de 17 ans non accompagnés, et qu’on allait
avoir besoin d’une grande quantité de faux sang. Il voulait flanquer une trouille d’enfer à tout le monde!"
Et effectivement, les scènes d'horreur sont nombreuses et violentes, avec la différence que les confrontations entre humains et aliens ne sont plus confinées au huis clos mais se déroulent aussi à l'extérieur, sur la planète inconnue, ce qui donne à quelques scènes des allures de JURASSIC PARK. "On ne peut pas tout le temps être traqué dans un corridor par un monstre, cela devient lassant à la longue!", explique Ridley Scott. "Il m’est venu à l’esprit que personne n’avait encore posé la question: qui a créé cette chose, et pourquoi? On pourrait penser que ce sont des monstres venus du fin fond du cosmos, des dieux interstellaires ou des ingénieurs intersidéraux qui sont à l’origine de cette créature, mais non. ALIEN: COVENANT va faire voler en éclats tout ce à quoi l’on pourrait s’attendre".
Si l'on retrouve les aliens aux formes caractéristiques créés il y a près de quatre décennies par le dessinateur surréaliste suisse H.R. Giger, aujourd'hui disparu, et son univers monstrueux (les oeufs extraterrestres, les aliens qui explosent la cage thoracique de leurs hôtes, ceux qui s'agrippent par succion au visage de leurs victimes), il y a un peu de nouveauté dans le bestiaire. "C’était une étape essentielle parce qu’il fallait apporter quelque chose de neuf par rapport à ce que l'on connaissait déjà", explique Ridley Scott.
Mais, surtout, la grande réussite du film est de relancer l'action et le suspense au bout d'une heure, quand membres de l'équipage et spectateurs ont compris ce qu'il y avait sur cette planète. La deuxième heure du film, tout en maintenant un suspense tendu, est donc originale et pleine de surprises, baroque, presque philosophique, où l'on parle amour, devoir, origines de l'humanité, civilisation, lutte entre le Bien et le Mal, Byron et Shelley –entre deux attaques d'aliens et scènes d'horreur sanglantes.
Deux personnages sortent du lot et jouent un rôle important dans l'aventure: une femme, Daniels (Katherine Waterston), qui supplée un Oram défaillant et fait parfois penser au personnage du lieutenant Ellen Ripley (Sigourney Weaver) présent dans les quatre premiers films; et un androïde, Walter, version améliorée de son alter ego David, présent dans PROMETHEUS (et interprété déjà par Michael Fassbender) et qui, ici, joue le "super-majordome" entièrement dévoué à l'équipage, loyal et aux émotions contrôlées.
D'autres préquels sont prévus, situés avant le premier ALIEN, et il n'est pas nécessaire d'avoir vu les cinq précédents épisodes pour frissonner et apprécier ce film d'horreur spatial dans lequel Ridley Scott, 79 ans, n'a évidemment aucun mal à montrer son talent de réalisateur et les progrès des effets spéciaux. Pourtant le film de 1979 ne vieillira jamais et ce sont surtout les fans de la saga qui auront un petit sourire quand, au bout d'une demi-heure de film, les membres de l'équipage découvrent quelque chose de bizarre sur la planète inconnue et que l'un d'eux murmure, ébahi: "C'est quoi ce truc?"…
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je suis ton père" (Guy Pearce à Michael Fassbender, dans le prologue très 2001, L'odysée de l'espace).
(États-Unis, 2h02)
Réalisation: Ridley Scott
Avec Michael Fassbender, Katherine Waterston, Billy Crudup
(Sortie le 10 mai 2017)