COMMENT DEVENIR RICHE (GRÂCE À SA GRAND-MÈRE)

Mamie très chère

Le jeune M (Putthipong Assaratanakul) s'occupe de sa grand-mère Amah (Usha Seamkhum), malade, dans l'espoir de toucher l'héritage (©Tandem Films).
Le jeune M (Putthipong Assaratanakul) s'occupe de sa grand-mère Amah (Usha Seamkhum), malade, dans l'espoir de toucher l'héritage (©Tandem Films).

Une surprise de Thaï. Succès phénoménal inattendu de 2024 en Asie et candidat de la Thaïlande aux derniers Oscars, le film COMMENT DEVENIR RICHE (GRÂCE À SA GRAND-MÈRE) débarque sur les écrans français (ce mercredi 16 avril) avec l'ambition d'émouvoir les spectateurs par son histoire familiale: un petit-fils et sa grand-mère qui apprennent à se connaître.

Amah (Usha Seamkhum), 78 ans, grand-mère d'une famille thaïlandaise d'origine chinoise, veuve, vit seule dans sa maison, vieille mais confortable, de la banlieue de Bangkok. Quand sa famille, après des examens, apprend qu'elle est atteinte d'un cancer de l'intestin en phase terminale et qu'elle n'a plus qu'un an à vivre, c'est la consternation.

Sa famille, c'est son frère, très riche, qui refuse de l'aider. Ce sont aussi ses trois enfants: son fils aîné, marié à une femme riche, qui s'occupe d'elle et de leur jeune fille; son fils cadet, toujours criblé de dettes et qui accumule les petits boulots; et sa fille, qui travaille dans un supermarché et élève seule, tant bien que mal, son fils M.

Accro aux jeux vidéo

Celui-ci (Putthipong Assaratanakul), qui a abandonné ses études, est accro aux jeux vidéo et gagne un peu d'argent sur Internet. Quand il apprend la maladie de sa grand-mère, il décide de s'installer chez elle et de l'aider.

Il n'est pas désintéressé: en jouant les petits-fils modèles, il compte bien décrocher l’héritage –c’est-à-dire la maison de sa grand-mère. Ses deux oncles et sa mère y pensent aussi, et se mettent eux aussi à voir leur mère plus souvent.

Relation complice

Mais gagner les faveurs d'Amah n'est pas de tout repose pour M. Elle a son caractère et n'est pas dupe: "Toi aussi, tu sèmes pour récolter?", lui dit-elle. Pourtant, peu à peu, le stratagème matérialiste du jeune homme est vite éclipsé par la relation complice qui naît entre lui et sa grand-mère: il s'occupe d'elle, l'accompagne à l'hôpital, l'aide à tenir son échoppe de street food, lui fait sa toilette et ses travaux ménagers, lui installe une vidéo-surveillance dans la maison et une rampe dans les WC, joue aux cartes et rigole avec elle. La cupidité fait place à l'amour…

Grands-mères et petits-enfants

"En Thaïlande, il est courant que les grands-mères s’occupent de leurs petits-enfants pendant que les parents travaillent", explique le réalisateur, Pat Boonnitipat. "Ainsi, les enfants passent une grande partie de leur enfance avec leur grand-mère. Ce lien, tissé dès le plus jeune âge, devient extrêmement fort et, plus tard dans la vie, il réveille de nombreux souvenirs. C’est quelque chose que je trouve particulièrement touchant".

Ce phénomène est illustré par une réflexion que fait le petit-fils à sa grand-mère, dans le film –et que la fin évoquera aussi: "Quand j'étais petit, tu t'es bien occupée de moi. C'est à mon tour".

Message universel

Les tensions liées à l'héritage et l'argent qui prend le pas sur les relations familiales: dans les réactions de ses personnages, le réalisateur dénonce doucement l'évolution de la société actuelle. "Même si le film est une fiction, il s’inspire de situations bien réelles en Thaïlande" où, dit-il, "exprimer son amour à travers l’argent est mal perçu, car cela pourrait sembler remettre en cause la sincérité du sentiment. Pourtant, dans la réalité, il est impossible de dissocier totalement les relations familiales des questions financières".

Mais ce n'est pas propre à la Thaïlande: la vieillesse, la maladie, la mort, les relations entre générations, la fin de vie, la manière de s'occuper des personnes âgées: le film porte ainsi un message universel sur les sociétés modernes, et c'est sans doute ce qui explique son succès.

Débuts à l'écran

Autre atout qui a conquis le cœur du public: la grand-mère, interprétée par Usa Semkhum, qui fait ses débuts au cinéma et resplendit ainsi de naturel. C'est aussi le premier long-métrage du réalisateur Pat Boonnitipat, spécialisé jusqu'ici dans les séries télévisées, tandis que M, lui, est interprété par un acteur et chanteur vedette en Thaïlande, Putthipong Assaratanakul, également connu sous le nom de Billkin.

Ce COMMENT DEVENIR RICHE (GRÂCE À SA GRAND-MÈRE) continuera-t-il en France son parcours triomphal depuis sa sortie en Thaïlande il y a un an, dopé notamment par les messages de ses spectateurs sur TikTok dans plusieurs pays d'Asie, en Australie et en Nouvelle-Zélande?

Entre drôlerie et gravité

Le ton du film oscille entre drôlerie et gravité, il est parfois un peu long et parfois un peu mielleux, mais l'histoire est émouvante, les personnages secondaires plutôt bien construits, et le duo petit-fils/grand-mère très attachant. Et bien sûr la fin tirera quelques larmes à beaucoup de spectateurs.

C'est donc un feel good movie, comme on dit en bon français: un film qui fait du bien. Du bien au cœur du spectateur. Et du bien au compte en banque des producteurs: en un an il a rapporté, record de l'histoire du cinéma thaïlandais, plus de 73 millions de dollars dans le monde –soit 73 fois plus que son budget estimé. Comme dans le film, les bons sentiments n'empêchent pas les bons comptes…

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"À ton avis, que veulent les vieux mais que leurs descendants ne leur donnent jamais? Du temps" (la cousine de M, qui s'occupe elle aussi de son grand-père mourant).

 

Comment devenir riche (grÂce À sa grand-mÈre)

("Lahn Mah") (Thaïlande, 2h06)

Réalisation: Pat Boonnitipat

Avec Putthipong Assaratanakul, Usha Seamkhum, Tontawan Tantivejakul

(Sortie le 16 avril 2025)


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