Mon père est gay. (Et alors?)
C'est l'histoire d'un grand amour, mais perturbé. L'histoire d'une seconde chance, d'un couple qui se remarie longtemps après avoir divorcé. LA FILLE D'UN GRAND AMOUR, premier film très autobiographique de la réalisatrice Agnès de Sacy (ce mercredi 8 janvier sur les écrans) a un goût doux-amer –mais plus amer que doux.
Ana (Isabelle Carré) et Yves (François Damiens) se sont aimés passionnément à la fin des années 50 puis se sont séparés. Des années plus tard, en 1991, leur fille Cécile (Claire Duburcq), à la sortie de son école de cinéma, réalise un documentaire sur leur rencontre, et les interroge tous les deux devant sa caméra.
Elle est intriguée: les détails de leurs souvenirs ne sont pas identiques. Ana et Yves se revoient lors de la projection du film. Toujours marqués par leur amour passé, ils vont alors chercher un chemin pour revenir l’un vers l’autre: ils vont se revoir, se retrouver, se disputer, se séparer à nouveau, se retrouver encore…
Peu intense et sans fièvre
Le film est délicat, pudique, mais sans grande consistance. Le début, où la jeune fille filme le témoignage de ses parents, est émouvant. Et la fin, où l'on découvre que son père est homosexuel est n'a pu l'assumer dans la société des années 50, réveille un peu une histoire qui s'endormait: entre les deux, rien de passionnant, comme une toux sans importance –peu intense et sans fièvre.
Mon père est gay, et alors? Tout ça pour ça? On devient plus indulgent quand on apprend qu'Agnès de Sacy a raconté l'histoire de ses parents. Scénariste d'une vingtaine de films depuis un quart de siècle (pour Valeria Bruni-Tedeschi, Pascal Bonitzer, Zabou Breitman notamment), c'est son premier film comme réalisatrice.
Court-métrage
C'est en 1992, à la sortie de l'école de cinéma la FEMIS, qu'elle a tourné un court-métrage sur le thème "Filmer vos parents"(comme dans le film). "Les souvenirs de mes parents ne concordaient pas", raconte-t-elle. "Une seule chose coïncidait: la naissance du sentiment. Puis, mes parents ont vu le film séparément, chacun a été très troublé par la parole de l’autre et ils ont décidé de se revoir. Trois ans plus tard, ils se sont remariés –en me disant: «C’est grâce à ton film»".
Le film est attachant mais mou, sans colonne vertébrale. Ce n'est pas la faute des acteurs, remarquables. Isabelle Carré est toujours aussi sensible et profonde, d'une grande finesse. Et François Damiens, comme beaucoup de comiques avant lui (Bourvil, Michel Serrault, Coluche, José Garcia), a reçu l'onction de grand acteur des critiques, de la Grande Famille du Cinéma et d'une partie du public quand il a interprété des rôles plus "sérieux" (LA FAMILLE BÉLIER, ÔTEZ-MOI D'UN DOUTE, FOURMI) –mais on le préfère dans son rôle de clown, comme dans son sketch inoubliable aux César 2011 quand il défendait le film L'ARNACOEUR de Pascal Chaumeil.
Joli titre
L'intérêt de cette FILLE D'UN GRAND AMOUR, outre son joli titre, est donc l'histoire personnelle de sa réalisatrice et de ses parents, et de la fin dans laquelle le personnage de François Damiens se révèle enfin. "Un soir d’hiver où je rendais visite à mon père, celui-ci s’est confié à propos de son homosexualité et du déni dans lequel il avait vécu", explique Agnès de Sacy. "Il m’a parlé de ce jeune homme qu’il était dans les années 1950, du médecin de famille qu’il avait consulté dans le plus grand secret et des traitements subis pour sortir de ce qui lui avait été désigné comme une «maladie». J’ai ressenti l’immense solitude dans laquelle il avait vécu et le mensonge social dans lequel il était enfermé".
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Mes livres et moi, c'est cornichons et vinaigre" (François Damiens, citant Flaubert).
(France, 1h34)
Réalisation: Agnès de Sacy
Avec Isabelle Carré, François Damiens, Claire Duburcq
(Sortie le 8 janvier 2025)
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