LA MÉLANCOLIE

Intimisme conjugal japonais

Watako (Mugi Kadowaki, à droite) se remet difficilement de la disparition de son amant (©Hotsureru/ Film Partners/ Comme des cinémas).
Watako (Mugi Kadowaki, à droite) se remet difficilement de la disparition de son amant (©Hotsureru/ Film Partners/ Comme des cinémas).

C'est un intimisme tout japonais que propose le film LA MÉLANCOLIE (ce mercredi 14 août sur les écrans), chronique sentimentale discrète, pudique, délicate et …mélancolique.

Watako (Mugi Kadowaki) n'est pas vraiment heureuse en ménage. Son mari, plutôt gentil et effacé, qui a un enfant de sa première femme, l'a trompée et ils font chambre à part. Leur relation ressemble à un encéphalogramme tout plat.

Alors Watako a un amant, écrivain, plus jeune, plus sympathique, plus intéressant, marié depuis 15 ans. Ils partent souvent quelques jours ensemble, en cachette, et s'entendent bien. Mais un jour, au retour d'un week-end à deux, le jeune amant meurt écrasé à la sortie de la gare.

Après la perte brutale de son amant, Watako décide de retourner discrètement à sa vie conjugale, sans parler à personne de cet accident. Ses sentiments enfouis vont refaire surface et l'obliger à reconsidérer sa vie, à regarder en face les réalités qu’elle essayait d’éviter auparavant: sa vie de couple, les relations avec sa belle-mère, la question d'avoir ou pas des enfants, ses rapports avec ses collègues de travail, le sens qu'elle veut donner à son existence…

Pas déprimant

"La mélancolie se caractérise du point de vue psychique par une suspension de l’intérêt pour le monde extérieur, la perte de la capacité d’aimer, l’inhibition de toute activité", disait Freud. Pourtant le film n'est pas triste, pas déprimant, pas pessimiste. Il s'agit juste du portrait intime d'une jeune femme tiraillée par le deuil, par des sentiments divers à l'égard de son amant et de son mari, par le déni de ses problèmes conjugaux, par le destin et les rencontres qu'elle est amenée à faire après la mort de son amant (la femme de celui-ci, son père).

Il ne se passe pas grand-chose dans ce film court (1h24), c'est plutôt bavard, mais on se laisse prendre à ces dialogues, ces sentiments refoulés, ces destins contrariés ou assumés. Et l'actrice principale, Mugi Kadowaki, assure une belle présence, légère et fluide, subtile.

Typiquement japonais

Surtout le jeune réalisateur Takuya Kato, 30 ans, dont c'est le deuxième film, a voulu montrer que tout ce qui caractérise le personnage principal –cette mélancolie, cette réticence à dire les choses, cette discrétion naturelle, ce repli vers soi– est typiquement japonais: "À travers le déni de Watako, je voulais parler de cette tendance de la société japonaise actuelle à détourner le regard, à ne pas vouloir voir les choses en face. Je pense que ce sont ces petites histoires individuelles qui permettent de parler plus largement de la société".

La réalisation du film est habile et originale, avec des retours en arrière qui n'en ont pas l'air: on se retrouve souvent avec une séquence dont on se demande si c'est le présent ou le passé. Et, qu'on se rassure, le ton global du film n'est pas triste, sombre, dramatique.

Alors, mélodrame? "La question du mélodrame ne m’a pas réellement traversé l’esprit en tant que telle", dit le réalisateur. "Lorsque j’ai écrit ce film, j’avais en tête les trois pôles qui pour moi structurent en général les gens et leurs réactions: d’une part ce qu’ils pensent, d’autre part la façon dont ils agissent, et enfin ce qu’ils disent. Ce sont trois choses qui sont souvent bien distinctes au départ. Leur convergence est une chose assez complexe et imprévisible, et c’est elle qui va véritablement constituer les personnages".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"On ne peut pas continuer à vivre comme ça pendant des années" (le mari, à Watako).

 

La MÉlancolie

("Watashitachi ha Otona") (Japon, 1h24)

Réalisation: Takuya Katô

Avec Mugi Kadowaki, Kentaro Tamura, Shôta Sometani

(Sortie le 14 août 2024)


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