Leïla Bekhti, inlassable maman courage
Une mère juive envahissante, aimante, qui défend ses enfants bec et ongles, donnerait sa vie pour eux et ne renonce jamais à les conduire sur les chemins de la réussite et du bonheur: c'est un rôle en or qu'interprète, avec talent et intensité, Leïla Bekhti dans l'émouvant film MA MÈRE, DIEU ET SYLVIE VARTAN, sur les écrans ce mercredi 19 mars.
Elle y incarne Esther, femme d'un menuisier et mère au foyer. La famille, originaire du Maroc, est venue s'installer dans le 13e arrondissement de Paris. On est en 1963 et Esther accouche de son sixième enfant, Roland (Naïm Naji), venu au monde avec un handicap: il a un pied-bot.
En marchant
L'enfant grandit mais ne peut se tenir debout: il rampe, se déplace à quatre pattes, ne va pas à l'école. Sa mère le porte souvent et refuse de le faire appareiller. "Mon fils, son premier jour d'école, il y ira tout seul en marchant".
Esther va multiplier les rendez-vous avec les médecins, les prières, et les affrontements avec les services sociaux. Pendant des années, le petit Roland, coincé chez lui, découvre Sylvie Vartan grâce à ses grandes sœurs et leurs copines. Jusqu'au jour où, vers ses 7 ans, les efforts de sa mère portent enfin ses fruits: il marche…
Histoire vraie
"D'après une histoire vraie", dit un panneau avant le début du film: celui-ci est en effet tiré de l'autobiographie de Roland Perez, avocat célèbre, parue en 2021. Aujourd'hui âgé de 61 ans, il a fait des études de droit avant de devenir l'avocat d'acteurs, d'animateurs et de producteurs grâce à ses activités de chroniqueur juridique dans les radios et les chaînes de télé depuis les années 1990. Il est actuellement chroniqueur sur Europe-1 le week-end.
Surtout, au cours de sa carrière, il a été l'avocat de son idole d'enfance, Sylvie Vartan. La chanteuse interprète son propre rôle dans la seconde partie du film, celle où Jonathan Cohen incarne Roland adulte, de 27 ans, quand il reste le dernier enfant à la maison, jusqu'à la cinquantaine, où il décide d'écrire son autobiographie.
Une autre histoire
Fac de droit, rencontre de sa future femme (Joséphine Japy), sa mère toujours à ses côtés et toujours envahissante: c'est une autre histoire que racontent alors le livre et le film.
"J’ai eu un coup de foudre pour cette histoire et j’avais envie de la partager", explique le réalisateur, le Québécois Ken Scott, dont c'est le 7e film (il a réalisé notamment STARBUCK en 2012 et L'EXTRAORDINAIRE VOYAGE DU FAKIR en 2018).
Histoire universelle
C'est, dit-il, "une histoire singulière, puisqu’elle se déroule à Paris, dans une famille juive sépharade, des années 60 jusqu’aux années 2010, et en même temps, une histoire universelle. Tout le monde peut se retrouver à un certain niveau dans cette relation d’une mère et son fils. C’est à la fois une histoire intime et une grande histoire".
Dans le rôle de la mère possessive et dévouée, Leïla Bekhti en fait parfois des tonnes –on ne peut s'empêcher de penser à Marthe Villalonga en mère de Guy Bedos dans UN ÉLÉPHANT, ça trompE ÉNORMÉMENT et ON IRA TOUS AU PARADIS. Mais elle déborde d'énergie et de tendresse, rendant son personnage crédible et émouvant tout au long du film.
Tubes de Sylvie Vartan
"Je voulais montrer à quel point il est difficile de quitter ces mères-là, dans quelle mesure la culpabilité peut vous envahir. Comment fait-on pour se détacher de quelqu’un qui vous a tout donné? Tout le scénario a été construit autour de cette grande thématique", dit le réalisateur, faisant écho aux mots de Romain Gary dans LA PROMESSE DE L'AUBE: "Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours".
Rythmé par quelques tubes de Sylvie Vartan (La Maritza, Irrésistiblement), ce film sympathique au titre charmant alterne humour et émotion, avec pour finir une très jolie citation résumant ce portrait d'inlassable mère courage. Citation que –c'est hélas souvent le cas– la bande-annonce révèle vite: il vaut mieux donc ne pas la visionner avant d'aller voir le film, l'esprit vierge et innocent comme l'agneau qui vient de naître, pour quitter la salle avec un dernier coup de cœur.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"La foi de ma mère était plus vaste que l'océan" (Jonathan Cohen).
Ma MÈre, Dieu et Sylvie Vartan
(France, 1h38)
Réalisation: Ken Scott
Avec Leïla Bekhti, Jonathan Cohen, Sylvie Vartan
(Sortie le 19 mars 2025)
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