MARIA

Angelina Callas

Angelina Jolie est Maria Callas (©Pablo Larrain/ARP).
Angelina Jolie est Maria Callas (©Pablo Larrain/ARP).

Il était une voix: la sienne. Dans le biopic qui lui est consacré, MARIA (ce mercredi 5 février sur les écrans), la plus célèbre cantatrice du XXe siècle, la Callas, tente de la retrouver, à la fin de sa vie. En vain.

On est en septembre 1977, quelques jours avant sa mort à Paris, où elle s'est retirée depuis quelques années. Maria Callas (Angelina Jolie) continue de répéter avec son pianiste et professeur de chant, dans l'espoir de retrouver cette voix, usée depuis un certain temps. "C'est Maria qui chante. Je veux entendre la Callas", lui dit-il. "Ça ne se fera pas en un jour".

Mais la cantatrice est bourrée de médicaments, elle est amaigrie et dépressive, elle a le foie et le cœur fragiles, et son médecin lui dit: "Votre voix ne reviendra pas. Votre voix est au paradis et sur des millions de disques".

La Callas, pourtant, y croit encore un peu. Dans son vaste appartement au troisième étage du 36 avenue Georges-Mandel, son majordome Ferruccio et sa gouvernante Bruna (Pierfrancesco Favino et Alba Rohrwacher) la soutiennent et l'encouragent quand elle chante devant eux.

L'amour de sa vie

Mais elle n'est pas montée sur scène depuis quatre ans et demi et a brûlé toutes ses robes. Toutes les nuits elle rêve de l'amour de sa vie, Aristote Onassis (Haluk Bilginer), qui fut son amant de 1959 à 1968 puis la quitta pour épouser Jackie Kennedy.

Bruna s'occupe de ses deux caniches et tente de lui redonner de l'appétit. Ferruccio note les nombreux médicaments qu'elle avale quotidiennement et supporte avec flegme ses changements d'humeur. La diva n'est pas facile à vivre, la mort va venir la cueillir: le 16 septembre 1977, elle décède d'une embolie pulmonaire à l'âge de 53 ans…

Chanter pour elle-même

"Ses biographes sont unanimes sur un point: Maria Callas n’était véritablement heureuse que sur scène. C’est ainsi qu’elle comblait son cœur et son âme", dit le réalisateur, Pablo Larrain. Mais, ajoute-t-il, "dans ce film, à la fin de sa vie, elle décide de chanter pour elle-même".

Dans le flot des biopics depuis quelques années –et quelques jours après ceux sur Bob Dylan (UN PARFAIT INCONNU) et sur Robbie Williams (BETTER MAN)–, le réalisateur chilien a donc choisi de raconter la dernière semaine de Maria Callas, en insérant régulièrement des retours en arrière en noir-et-blanc pour évoquer les dates clés de la vie de la cantatrice.

Lenteur dans la narration

C'est plutôt réussi, avec une photographie et des décors très soignés, un découpage du récit et un montage ingénieux, même si le début du film manque un peu de rythme et d'ampleur. Le réalisateur s'est imposé une certaine lenteur dans la narration de ces derniers jours de la Callas, reflet de sa lassitude et de sa solitude, illustrées par son souvenir, en 1975 à Neuilly, de la mort d'Onassis qu'elle a accompagné jusqu'à sa fin.

L'armateur grec milliardaire n'est pas décrit sous son meilleur jour, sorte de butor complètement à l'opposé de sa page Wikipédia qui loue "sa nature conviviale" et affirme qu'il "était connu comme un homme accessible, abordable, généreux, de bonne humeur". Le réalisateur le crédite cependant d'un humour solide, par cette réflexion qu'il fait à Maria Callas lors de leur rencontre: "Je suis laid, mais je suis riche. Je suis grec, mais je viens d'Argentine. Je suis marié, mais nous sommes en 1959".

Angelina Jolie attire toute l'attention

Beaucoup plus sympathique est le personnage du majordome Ferruccio Mezzadri, son ange-gardien très présent dans le film. Il est interprété par l'un des meilleurs acteurs italiens du moment, Pierfrancesco Favino, remarqué dans LE TRAÎTRE (2019) et plus récemment dans DERNIÈRE NUIT À MILAN (2023) et LE COLIBRI (2023).

Mais bien sûr c'est Angelina Jolie qui attire toute l'attention dans ce biopic où elle n'essaye pas de ressembler à tout prix à Maria Callas mais réussit quand même à rendre crédible son interprétation. Silhouette fragile et amaigrie, traits anguleux derrière de grosses lunettes carrées, mains fines, démarche fatiguée, tantôt désagréable et insupportable, tantôt touchante et vulnérable: elle est la Callas, un des rôles les plus importants de sa carrière.

Voix mixée

Et la question se pose: chante-t-elle vraiment, comme Timothée Chalamet dans le biopic sur Bob Dylan? Oui et non. Elle a pris des cours de chant et on a enregistré sa voix, mais celle-ci a été mixée avec celle de la Callas, et c'est ce mélange qu'on entend sur les quelques extraits musicaux du film.

"La bonne nouvelle quand on joue Maria Callas, c’est que personne ne s’attend à ce que vous chantiez comme Maria Callas, parce que personne au monde ne peut chanter comme Maria Callas, n’est-ce pas?", dit l'actrice. "Personne à son époque ne pouvait l’égaler, et ce serait criminel de ne pas entendre sa voix dans ce film, car d’une certaine manière, elle est très présente. Sa voix et son art sont très présents. Elle est ma partenaire dans ce film: elle et moi le faisions ensemble".

Triptyque

Comme souvent pour les films tirés de personnages réels, des bandes d'actualité de la vraie Callas défilent au générique de fin, dernier hommage de Pablo Larrain dont c'est le 11e film et qui n'en n'est pas à son coup d'essai en matière de biopics: après NERUDA en 2016, il a réalisé JACKIE (2017) sur Jackie Kennedy avec Natalie Portman, et SPENCER (2021) sur Lady Diana avec Kristen Stewart. MARIA, dit-il, "semblait être la conclusion parfaite de ce triptyque sur trois femmes qui ont, chacune à leur manière, bouleversé le XXe siècle".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Il n'y a pas de vie hors de la scène. La scène est dans mon esprit" (Maria Callas).

 

Maria

(États-Unis/Allemagne/Italie, 2h03)

Réalisation: Pablo Larrain

Avec Angelina Jolie, Pierfrancesco Favino, Alba Rohrwacher

(Sortie le 5 février 2025)


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