NI CHAÎNES NI MAÎTRES

Les insoumis (les  vrais)

Esclaves dans l'île Maurice, Massamba (Ibrahima Mbaye) et sa fille Mati (Anna Diakhere Thiandoum) ont décidé de s'évader (©Chi-Fou-Mi Productions/Les Autres Films/StudioCanal/France-2 Cinéma).
Esclaves dans l'île Maurice, Massamba (Ibrahima Mbaye) et sa fille Mati (Anna Diakhere Thiandoum) ont décidé de s'évader (©Chi-Fou-Mi Productions/Les Autres Films/StudioCanal/France-2 Cinéma).

C'est l'un des premiers films français d'envergure sur l'esclavage: NI CHAÎNES NI MAÎTRES (ce mercredi 18 septembre sur les écrans) raconte l'histoire de ces esclaves noirs qui, au XVIIIe siècle à l'île Maurice, ont refusé de subir leur destin d'êtres humains asservis, domestiqués, humiliés, et de briser leurs chaînes.

On est en 1759, sous le règne de Louis XV. L'île Maurice s'appelle l'Isle de France et Eugène Larcenet (Benoît Magimel) y dirige une plantation de canne à sucre sur des terres appartenant à la Couronne, en y faisant travailler des esclaves noirs.

Il est sans pitié pour les "marrons", ces esclaves qui tentent de s'échapper, et leur applique le Code noir: "À sa première fuite, le marron sera marqué de la fleur de lys. S'il récidive, il lui sera coupé les oreilles et les jarrets". À la troisième fuite, c'est la mort.

Fuite

Massamba (Ibrahima Mbaye), un des rares esclaves à parler français, rêve que sa fille Mati (Anna Diakhere Thiandoum) soit affranchie. Mais quand celle-ci décide de s'échapper pour rejoindre d'autres Noirs dans l'espoir de gagner Madagascar en barque, il s'enfuit lui aussi pour la retrouver et la protéger.

Pour les rattraper –et les punir–, Eugène Larcenet va faire appel à Madame La Victoire (Camille Cottin), célèbre chasseuse de "marrons" avec ses deux fils. Une impitoyable traque s'engage alors dans les forêts de l'île…

Cinéma américain et cinéma français

Contrairement au cinéma américain, le cinéma français s'est peu intéressé à l'esclavage. À part une vague évocation du sujet dans LES CAPRICES D'UN FLEUVE de Bernard Giraudeau (1996) et le film plutôt confidentiel Passage du milieu de Guy Deslauriers (2001), le seul film qui vient à l'esprit est CASE DÉPART de Lionel Steketee (2011) avec Fabrice Éboué et Thomas Ngijol, mais il s'agissait d'une comédie.

Connu comme scénariste depuis une quinzaine d'années (récemment pour BOÎTE NOIRE et GOLIATH), Simon Moutaïrou, de mère française et de père béninois, a choisi, pour son premier film comme réalisateur, de s'attaquer à la question en évoquant les "marrons", ces esclaves ayant choisi de s'échapper.  

Marronnage

"Je souhaiterais que le film puisse introduire dans le débat public le terme de «marronnage»", dit-il. "C’est une belle idée, puissante et nécessaire, qui nous aide à penser la lutte contre l’oppression, au passé comme au présent".

Dans la description de la condition des esclaves dans la plantation, leur vie quotidienne, leur travail, les punitions qu'ils subissent, et la domination coloniale des Blancs, NI CHAÎNES NI MAÎTRES fait penser aux récents films américains Django Unchained de Quentin Tarantino (2012) ou 12 YEARS A SLAVE de Steve McQueen (2013), Oscar du meilleur film.

Film à suspense

Mais c'est aussi un film à suspense, avec la longue traque, rythmée de rebondissements, menée par Madame La Victoire avec l'aide de ses fils et de ses chiens à travers les forêts, rivières, cascades, marécages, rochers, falaises, plages de l'île.

Cela donne un film haletant et, bien sûr, d'une force et d'une émotion intenses dans l'hommage rendu à ces "marrons", ces insoumis refusant leur sort. "Hier comme aujourd’hui, il existe mille manières de se soumettre à l’oppression, mais seulement quelques-unes d'y échapper. Mes personnages font partie de celles et ceux qui ont eu le courage de dire non", conclut le réalisateur.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Je crois aux vertus du châtiment. Pour celui qui le reçoit comme celui qui le contemple" (Camille Cottin).

 

Ni ChaÎnes Ni MaÎtres

(France, 1h38)

Réalisation: Simon Moutaïrou

Avec Ibrahima Mbaye, Camille Cottin, Benoît Magimel

(Sortie le 18 septembre 2024)


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