Chasse au fauve et introspection personnelle
Une vétérinaire d'un zoo laisse malencontreusement s'échapper un tigre et se joint à la battue pour le retrouver, mais pense surtout à ses ennuis personnels: le film roumain TIGRESSE (ce mercredi 7 août sur les écrans) mélange les genres, entre suspense et intimisme.
Vera (Catalina Moga) prend soin de Rihanna, femelle tigre du zoo dont elle est la vétérinaire. Mais un soir, en rentrant de son travail, elle aperçoit son mari Toma en plein adultère, avec une jeune femme.
Chasse au tigre
Traumatisée, elle ne rentre pas chez elle mais retourne au zoo. En pleine nuit, elle nourrit Rihanna mais oublie de refermer son enclos. Au petit matin, la tigresse s'est échappée et a franchi les clôtures du zoo.
Avec des chasseurs et des gendarmes –et son mari–, Vera va participer à la chasse au fauve, dans la forêt proche du zoo puis dans les rues de la ville. Mais son esprit est ailleurs: ivre de colère, elle en veut à son mari Toma (Paul Ipate) de l'avoir trompée. D'autant que le couple est encore dans le deuil de leur bébé récemment mort quatre jours après sa naissance, que les autorités religieuses refusent d'enterrer dans le cimetière catholique car il n'a pas été baptisé avant sa mort…
Libération
"Je me suis concentré sur cette idée, essentielle à mes yeux, que le personnage a besoin de passer à autre chose après le drame qu’elle a vécu. (…) Mais elle est piégée, tout comme la tigresse qui, elle aussi, est en cage. Le parallèle se joue ici. Mon film parle à la fin de libération", explique le réalisateur, Andrei Tanase, dont c'est le premier film.
Le film alterne un faux rythme où il ne se passe pas grand-chose et des moments de suspense. Vera et Toma multiplient les explications, les disputes, les mises au point sur l'état de leur couple et sur le deuil de leur bébé. Et parallèlement la traque à la tigresse progresse, tout au long de l'histoire, avec une tension qui monte peu à peu.
Mélange des genres
"C’est un drame, un film d’aventure et sous certains aspects une comédie", dit le réalisateur. "J’ai voulu mélanger les genres de manière ludique, dans l’espoir d’attirer, en plus des cinéphiles passionnés, un public plus large. Au-delà de la chasse d’une bête exotique, presque légendaire, Tigresse est aussi une histoire de deuil, de pardon, et de quête de soi portée par le personnage de Vera".
Les deux vedettes du film sont l'actrice principale, omniprésente et d'une belle sobriété, et bien sûr la tigresse Rihanna, sous la direction du spécialiste des félins Thierry Le Portier qui, dit le réalisateur, "est peut-être le plus grand et le plus expérimenté dresseur de félins au monde. Il a notamment travaillé avec Ridley Scott sur Gladiator et avec Ang Lee sur L’OdyssÉe de Pi".
Deux tigres
"En fait, Thierry Le Portier est venu non pas avec un, mais deux tigres. Il y avait la star qui jouait dans L’OdyssÉe de Pi (2012). Elle s’appelle Mia et c’était peut-être son dernier film parce qu’elle est déjà assez âgée. Il y avait aussi une jeune tigresse qui était sa doublure", précise-t-il.
Sans être exceptionnel et avec une intrigue (la chasse au fauve) et un propos (les ennuis personnels de Vera) assez simples, voire faibles, ce TIGRESSE ne manque pas d'intérêt et est plutôt correct, pour un premier film. Il s'inscrit dans un cinéma roumain assez fécond qui se fait remarquer ces dernières années, depuis la Palme d'or du Festival de Cannes 4 MOIS, 3 SEMAINES ET 2 JOURS de Christian Mungiu en 2007 jusqu'au récent TROIS KILOMÈTRES JUSQU'À LA FIN DU MONDE d'Emanuel Parvu en mai dernier.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"On est en état d'alerte" (le chef des chasseurs, s'apercevant que la tigresse a franchi la clôture extérieure du zoo).
("Tigru") (Roumanie, 1h20)
Réalisation: Andrei Tanase
Avec Catalina Moga, Paul Ipate, Alex Velea
(Sortie le 7 août 2024)
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