La double vie de Virginie Efira
Qui est-elle vraiment, Judith ou Margot? Virginie Efira se dédouble et mène deux existences parallèles dans le film MADELEINE COLLINS, un thriller psychologique à l'atmosphère pesante qui sort ce mercredi 22 décembre sur les écrans.
Elle y tient le rôle de Judith, une interprète mariée à Melvil (Bruno Salomone), chef d'orchestre. Ils ont deux fils adolescents et mènent une existence aisée à Paris. Trois ou quatre jours par semaine, Judith s'absente à l'étranger pour son métier.
En Suisse
Elle prétend être en Pologne, en Espagne ou ailleurs. Mais en réalité elle est régulièrement en Suisse. Elle y travaille certes comme interprète, mais elle se fait appeler Margot et rejoint Abdel (Quim Gutiérrez), avec qui elle élève Ninon, une petite fille de cinq ans.
Elle cache cette double vie à son mari Melvil, alors qu'Abdel est au courant. Mais celui-ci commence à en avoir assez de cette situation ambiguë: "ça va trop loin", dit-il. Pour Judith/Margot, qui ne semble pas vouloir cesser ce double jeu, la fuite en avant risque de devenir la seule solution…
Structure en escargot
"La double vie, on l'a vue de nombreuses fois au cinéma pour des hommes, mais quasiment jamais avec une femme. Parce que la question des enfants, s'il y en a, se pose immédiatement", explique le réalisateur, Antoine Barraud, 49 ans, dont c'est le troisième long-métrage, après deux premiers films passés inaperçus, LES GOUFFRES en 2012 et LE DOS ROUGE en 2015.
Son film installe le mystère peu à peu et déroule, comme tout bon thriller, un suspense progressif. Le réalisateur dit avoir voulu construire son film avec "une structure en escargot: on commence par Z et on arrive à A", avec dans l'écriture du scénario "une mécanique imparable". Pour lui, "chaque scène devait amener une couche supplémentaire: pas deux, pas quinze, une".
Pièces d'un puzzle
Ainsi le spectateur est tenu en haleine en n'étant nourri d'indices qu'au compte-goutte, comme des pièces d'un puzzle dont on ne distingue pas la vue d'ensemble –à l'image de la première scène, un long plan-séquence dans une boutique de vêtements, qui laisse le spectateur perplexe mais dont on comprendra la signification bien plus tard.
La question de l'identité est au cœur de l'histoire: est-on soi-même ou est-on l'image que les autres se font de vous –ou un mélange des deux, ou une alternance des deux, entre mensonge et vérité? "Un mensonge, c'est une entreprise collective. Un mensonge, ça se fait avec tous ceux qui y participent, menteurs et crédules, tout le monde voit ce qu'il veut bien voir", explique le réalisateur, qui a réussi à créer une atmosphère lourde et angoissante avant même que le film ne vire au thriller plus conventionnel dans sa dernière partie.
Virginie Efira, actrice majeure
Guidé par son désir de liberté, le personnage de Judith/Margot est superbement interprété par Virginie Efira, qui s'installe à chaque film comme une actrice majeure du cinéma français. On l'a vue récemment dans UN AMOUR IMPOSSIBLE, POLICE, ADIEU LES CONS et BENEDETTA, et on la verra bientôt dans EN ATTENDANT BOJANGLES, qui sortira sur les écrans le 5 janvier.
Deux Virginie Efira pour le prix d'une, c'est le cadeau que fait ce MADELEINE COLLINS passionnant et parfois envoûtant. Et même trois, car pourquoi ce titre? La réponse en fin de film…
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je suis devenue un monstre" (Virginie Efira).
(France, 1h42)
Réalisation: Antoine Barraud
Avec Virginie Efira, Bruno Salomone, Quim Gutiérrez
(Sortie le 22 décembre 2021)
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