MOMMY

J'ai ressuscité ma mère

Anne Dorval, fabuleuse dans le rôle de la mère (©Shayne Laverdiere)
Anne Dorval, fabuleuse dans le rôle de la mère (©Shayne Laverdiere)

Ce fut l'un des coups de coeurs des critiques au dernier Festival de Cannes, où beaucoup l'auraient bien vu remporter la Palme d'or. Mais le juré présidé par Jane Campion ne lui a accordé ''que'' le Prix du Jury, ex-aequo avec le vétéran Jean-Luc Godard.
Ça n'a pas empêché Xavier Dolan, 25 ans, petit génie du cinéma québécois, de remercier avec émotion Jane Campion pour cette récompense, accordée à son cinquième film, MOMMY.
Au Québec, une veuve d'une quarantaine d'années, Diane (Anne Dorval), doit s'occuper de son fils Steve (Antoine Olivier Pilon), 15 ans, que le centre fermé pour adolescents refuse désormais de garder. Il souffre d'un trouble neurologique connu sous le nom de TDAH (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité), qui l'empêche souvent de contrôler ses émotions et son comportement.
Diane a la possibilité de le faire interner dans un hôpital. Elle s'y refuse, et prend donc son fils chez elle, avec comme ambition de lui faire continuer ses études.
Violence verbales, scènes de dispute, vie quotidienne infernale: très vite, pour la mère et le fils, la situation semble sans issue. Mais sous ses airs de voyou et de tête à claques, Steve aime et respecte profondément sa mère –même s'il la bouscule, la traite de tous les noms et lui crée les pires ennuis.
Et Diane, de son côté, qui ne s'en laisse pas compter, se sent les épaules assez solides pour y arriver. D'autant que la voisine d'en face, Kyla (Suzanne Clément), une enseignante en arrêt-maladie qui souffre de bégaiement, va leur apporter une aide inattendue. Et l'espoir qui va avec...
Xavier Dolan aime sa maman, c'est sûr. Certes, son premier film, en 2009, s'intitulait J'AI TUÉ MA MÈRE. Il y jouait lui-même un ado qui ne supportait plus sa mère, déjà interprétée par Anne Dorval.
Mais ça, c'était avant. ''A l'époque de J'AI TUÉ MA MÈRE, j'avais voulu, je pense, punir ma mère'', explique-t-il. ''Seulement cinq ans ont passé depuis, mais je crois bien qu'aujourd'hui, à travers MOMMY, j'essaie maintenant de la venger. Allez comprendre''.
Le jeune réalisateur va plus loin dans l'explication. Dans la note d'intention de son film au Festival de Cannes, il affirmait que ''s'il est un sujet que je connaisse sous toutes ses coutures, qui m'inspire inconditionnellement, et que j'aime par-dessus tout, c'est bien ma mère''.
''Quand je dis ma mère, je pense que je veux dire LA mère en général, sa figure, son rôle. Car c'est à elle que je reviens toujours. C'est elle que je veux voir gagner la bataille, elle à qui je veux écrire des problèmes pour qu'elle ait toute la gloire de les régler, elle à travers qui je me pose des questions, elle qui criera quand nous nous taisons, qui aura raison quand nous avons tort, c'est elle, quoi qu'on fasse, qui aura le dernier mot, dans ma vie''.
Les trois acteurs principaux sont impressionnants, résultat d'une direction d'acteurs proprement stupéfiante de la part d'un réalisateur aussi jeune. Tous trois sont au service d'une histoire qui alterne les moments graves et les scènes d'humour, avec des dialogues entre la mère et le fils au ressort comique irrésistible –notamment parce que c'est du québécois, sous-titré en français–, même dans les situations les plus sombres, les plus violentes, les plus dramatiques.
Dans ce film foisonnant d'émotions de toutes sortes, où Xavier Dolan a mis beaucoup de lui-même, la maîtrise et l'inventivité du jeune réalisateur surgissent régulièrement, à chaque coin d'image, au détour d'une scène, à l'occasion d'un dialogue.
Deux exemples, parmi d'autres, qui illustrent le talent du jeune homme: quand les personnages chantent et dansent sur du Céline Dion dans la cuisine, scène surréaliste; ou quand, nageant dans le bonheur (éphémère), semblant flotter sur son skateboard, casque audio sur les oreilles, le jeune Steve écarte les bras et donne à Xavier Dolan l'occasion d'une superbe idée de mise en scène... Vous verrez.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Ça n'arrive pas, dans la vie d'une mère, qu'elle aime moins son fils'' (la mère, vers la fin du film).

MOMMY
(Canada, 2h18)
Réalisation: Xavier Dolan
Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément
(Sortie le 8 octobre 2014)