NYMPHOMANIAC, VOLUME-1

Faux scandale

Stacy Martin et Shia LaBeouf (©Christian Geisnaes/Les Films du Losange)
Stacy Martin et Shia LaBeouf (©Christian Geisnaes/Les Films du Losange)

Voici donc l'objet du scandale. Depuis plusieurs semaines, photos, affiches, extraits et bandes-annonce de NYMPHOMANIAC, le nouveau film du réalisateur danois Lars von Trier, sont savamment distillés sur Internet. Avec des passages à caractère sexuel plus ou moins explicites.
C'est ce qu'on appelle un buzz, une opération de marketing bien menée. Mais il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Certes le sujet est provocateur, mais le film est davantage qu'une succession de scènes sexuelles et de dialogues crus.
Par une froide soirée d'hiver, un vieux célibataire sympathique (Stellan Skarsgärd) découvre une femme gisant à terre, rouée de coups, le visage tuméfié (Charlotte Gainsbourg). Il la ramène chez lui, lui offre un lit douillet et une boisson chaude, et elle décide de lui raconter sa vie: ''je suis une personne mauvaise'', lui dit-elle.
Elle lui explique qu'elle est nymphomane. Elle ne pense qu'à ça, a toujours vécu pour le plaisir physique, s'est toujours servie des hommes depuis son adolescence. Mais dans cette longue histoire, un intrus va apparaître à plusieurs moments: l'amour...
Cette première partie du film (la seconde sortira le 29 janvier), qui dure deux heures, est divisée en cinq chapitres, étapes du début de la vie du personnage principal, racontées en flash-backs. On n'y voit donc pas Charlotte Gainsbourg dans des scènes sexuelles, c'est la jeune actrice anglaise inconnue Stacy Martin, à la silhouette fine et à la ressemblance certaine, qui s'en charge.
Un gros plan rapide par ci, une fellation par là, régulièrement des corps nus et des scènes d'amour: oui, il y a du sexe dans NYMPHOMANIAC. Mais il y a aussi beaucoup d'humour, de second degré, de réflexions savantes ou philosophiques, voire d'émotion. Plutôt un bon film, original et intéressant, d'une belle sincérité derrière ses outrances un peu puériles.
D'ailleurs Lars von Trier prouve par l'absurde ses talents de provocateur en faisant du chapitre-4 de l'histoire le moment volontairement le plus complaisant, le plus choquant, le plus pénible à supporter: il ne s'agit pas de sexe mais de maladie, à l'hôpital, avec des scènes dérangeantes et dures, bien loin de tout érotisme ou toute pornographie.
Aux côtés de Charlotte Gainsbourg et Stellan Skargärd, donnant la réplique à la jeune Stacy Martin omniprésente (et plutôt bonne actrice, quand on lui demande de pleurer ou de se replier sur elle-même), Shia LaBeouf, Uma Thurman, Willem Dafoe et Christian Slater ont des rôles qui, là encore, n'ont rien à voir avec leurs visages déformés par l'orgasme que vante l'affiche du film.
La seconde partie de NYMPHOMANIAC, de deux heures également, devrait davantage mettre à contribution Charlotte Gainsbourg, avec d'autres scènes qu'on voit dans la bande-annonce et qui ont incité YouTube à la censurer.
Dans les salles françaises en tout cas, la première partie n'est interdite qu'aux moins de 12 ans, comme certains téléfilms de fin de semaine et de fin de soirée sur des chaînes de la TNT.
Cette version de NYMPHOMANIAC (deux fois deux heures) destinée au public est une version expurgée, dont les coupures ont été approuvées par le réalisateur. Cinéaste très doué et provocateur très agaçant, chouchou du Festival de Cannes (qui a accueilli la quasi-totalité de ses films depuis 1984), Lars von Trier a déjà utilisé des plans de coupe d'actes sexuels non simulés, tournés par des acteurs de porno, dans certains de ses films précédents: LES IDIOTS en 1998 ou plus récemment ANTICHRIST en 2009 (avec, déjà, Charlotte Gainsbourg).
Pour NYMPHOMANIAC, ''les changements dans la version abrégée se résument à la coupe des gros plans de parties génitales les plus explicites'', explique dans le dossier de presse la productrice du film, Louise Vesth. Buzz, buzz, buzz...
Quant à la version intégrale (cinq heures au total), avec donc gros plans et scènes sexuelles non simulées, elle sortira ''courant 2014'', à une date ''encore à confirmer'', ''dans les parties (sic) du monde où les lois sur la censure le permettent''. Marketing, marketing, marketing...
Cette version ''hard'' sera présentée au Festival de Berlin en février prochain. Et, pour les cinéphiles intellos à la recherche d'un petit alibi porno, sans doute disponible bientôt en DVD et ses meilleurs extraits diffusés sur Internet. Pas sur YouTube –peut-être sur YouPorn.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''L'ingrédient secret du sexe, c'est l'amour'' (La copine de Stacy Martin).

NYMPHOMANIAC, VOLUME-1
(Danemark, 1h57)
Réalisation: Lars von Trier
Avec Charlotte Gainsbourg, Stellan Skarsgard, Stacy Martin
(Sortie le 1er janvier 2014)