Le chemin de croix d'une nymphomane
Joe la nymphomane (Charlotte Gainsbourg), recueillie battue et transie de froid par Seligman le vieux célibataire (Stellan Skarsgård), lui raconte sa vie. Depuis l'âge de l'enfance, le sexe a
envahi son existence, comme une maladie dont elle ne peut guérir.
Dans le VOLUME-1 de ce NYMPHOMANIAC de Lars von Trier, l'évocation de la jeunesse du personnage mettait en scène la jeune actrice Stacy Martin.
Ici, dans le VOLUME-2, le personnage est plus âgé et interprété par Charlotte Gainsbourg. Mais il ne s'est pas assagi.
Joe a eu un fils avec Jérôme (Shia LaBeouf) mais elle a toujours le diable au corps. Masturbation, introduction de cuillères là où elles n'ont en principe rien à faire, trio avec deux amants
noirs gâtés par la nature: la mère de famille n'est pas une épouse modèle.
Jérôme l'accepte, bon gré mal gré: ''Quand tu achètes un tigre, tu dois le nourrir'', dit-il mi-philosophe mi-résigné. Mais un soir de Noël, Joe devra choisir...
C'est que la nymphomanie a pris des proportions nouvelles, incontrôlées. Joe fait dans le sado-masochisme avec un homme qu'elle paye pour la fouetter et l'humilier; elle essaye de se soigner dans
des séances de thérapie de groupe façon Alcooliques Anonymes; elle ripe vers la criminalité, en faisant un petit tour vers le lesbianisme avec une adolescente de 15 ans; elle essaye même
l'abstinence –c'est grave, docteur?
Au-delà de la provocation, Lars von Trier continue, comme dans le premier volet, de faire réfléchir sur l'enfance, la dépendance, la cruauté, la violence physique et psychologique, l'amour et le
désir, la solitude, et toutes ces choses éparses et complexes qui font la sexualité d'un individu.
Le réalisateur danois continue aussi ses digressions de premier-de-la-classe: entre une fellation et un coup de martinet, il évoque L'or du Rhin de Wagner, les icônes de Vierge Marie de
l'Eglise orthodoxe, l'oeuvre de Thomas Mann ou le noeud inventé par l'alpiniste autrichien Karl Prusik. Mais
il y a beaucoup moins d'humour que dans le VOLUME-1.
Car le propos, le ton, le jeu des acteurs –et la fin du film– sont ici beaucoup plus sombres, loin de tout érotisme ou pornographie. Et dans cette longue série d'épreuves qu'est l'existence de
Joe, la performance de Charlotte Gainsbourg dans les séances de sado-masochisme (attachée, battue, fouettée) est peu commune.
Ce sont ces scènes de pure violence par lesquelles le réalisateur prend un malin plaisir à mettre le spectateur mal à l'aise, comme c'était le cas pour le chapitre sur l'hôpital et la maladie
dans le VOLUME-1. Comme un clin d'oeil pour dire que le plus choquant, le plus dérangeant, le plus obscène, ce n'est pas forcément le sexe.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Je suis vierge. Je suis innocent'' (un des personnages du film –c'est bien le seul).
NYMPHOMANIAC, VOLUME-2
(Danemark, 2h04)
Réalisation: Lars von Trier
Avec Charlotte Gainsbourg, Stellan Skarsgård, Shia LaBeouf
(Sortie le 29 janvier 2014)