Keira Knightley joue les romancières féministes
"Portrait d'une jeune femme moderne", dit le sous-titre: le film COLETTE, du réalisateur américain Wash Westmoreland, raconte les premières années de célébrité de la romancière, qui a su se libérer de son premier mariage pour voler de ses propres ailes.
On est en 1892, à Saint-Sauveur-en-Puisaye, gros village de Bourgogne où Gabrielle Sidonie Colette (Keira Knightley) a passé une enfance et une adolescente heureuses. La jeune fille à l'esprit rebelle n'a pas 20 ans quand elle est séduite par un ami de la famille, Henry Gauthier-Villars (Dominic West), de 14 ans son aîné. L'année suivante, ils se marient.
Henry Gauthier-Villars est connu sous le nom de Willy: c'est un écrivain, journaliste et critique musical qui a ses entrées dans les milieux littéraires parisiens. Flamboyant, brillant, égocentrique, séducteur compulsif, il fait découvrir à sa jeune épouse un monde nouveau. Il l'encourage aussi à écrire, la conseille, relit et réécrit ses premiers textes.
Un jour, il décide de publier les souvenirs d'enfant de Colette, mais en les signant de son propre nom: Claudine à l'école est un succès. Willy va alors exploiter le filon, et connaître la célébrité avec les livres suivants.
Mais Colette, dans l'ombre, souffre de plus en plus de ne pas être reconnue pour ses textes. Et supporte de moins en moins les infidélités de son mari. Jusqu'au jour où elle décidera de se libérer, de vivre ouvertement sa bisexualité, de monter sur les planches –et de signer ses livres de son nom…
Ce n'est pas vraiment un biopic de Colette mais les premières années de sa carrière que raconte le film, centré sur les années de son mariage avec Willy, une union agitée mais féconde qui a duré 13 ans (Colette est morte à 81 ans). "Il fallait qu’on perçoive la complexité de leurs rapports pour en faire un vrai sujet de film. Leur couple passe par tout l’éventail des émotions: l’amour, la haine, la tendresse, la perversité, l’initiation et l’exploitation abusive. Et tout cela s’est manifesté en public. Colette et Willy fonctionnaient, à bien des égards, comme un couple moderne de personnes célèbres", explique le réalisateur, Wash Westmoreland.
C'est son cinquième film, après quatre longs-métrages réalisés avec son compagnon Richard Glatzer, décédé en 2015, dont le dernier, STILL ALICE, a valu à Julianne Moore l'Oscar de la meilleure actrice.
La réalisation est classique, sans surprise, très propre, le Paris artistique de l'époque est bien reconstitué. Le message féministe n'est pas trop appuyé, la vie de Colette parlant d'elle-même: "Le parcours de Colette est un véritable exemple. Je pense que des trajectoires comme la sienne peuvent changer le monde. J’ai le sentiment qu’il y a dans ce film une inspiration très proche du mouvement #MeToo. Il s’agit en effet d’une femme qui surmonte les obstacles d’une société répressive et qui affirme sa singularité. Le parallèle est évident", explique Wash Westmoreland.
Dominic West, moustache frisée et roublardise endémique, est convaincant en Willy, un peu antipathique mais finalement pas entièrement mauvais. Et dans le rôle principal, Keira Knightley (vue il y a trois ans dans GIRLS ONLY et plus récemment dans le dernier PIRATES DES CARAÏBES) apporte une touche de sensibilité et de fragilité à un personnage décrit comme a priori plus fort et plus sûr, mais qui a mis quelques années à se libérer des conventions sociales de l'époque, des habitudes littéraires et des contraintes conjugales.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Tu es aussi lisible que la ligne du haut chez l'opticien" (Colette à Willy, qui n'accepte pas ses mensonges sur ses infidélités).
(États-Unis/Grande-Bretagne, 1h51)
Réalisation: Wash Westmoreland
Avec Keira Knightley, Dominic West, Eleanor Tomlinson
(Sortie le 16 janvier 2019)