Le nouveau (mais pas le dernier?) film de Clint Eastwood
C'est une formule usée jusqu'à la corde d'un lasso, mais Clint Eastwood, l'homme aux quatre Oscars, est l'un des derniers géants d'Hollywood. À 91 ans, il continue sa carrière de réalisateur à un rythme soutenu (7 films ces 10 dernières années), et son nouveau film est loin d'être le meilleur mais ne sera sans doute pas le dernier: CRY MACHO, qui sort ce mercredi 10 novembre sur les écrans français.
Clint Eastwood est des deux côtés de la caméra puisqu'il y interprète le personnage principal, en assumant son grand âge. Mike Milo, ancienne star de rodéo et éleveur de chevaux, veuf, vieillissant, aigri, est chargé par son ancien patron, riche propriétaire de ranchs, d'aller chercher Rafo (Eduardo Minett), son fils de 13 ans au Mexique, où il vit chez sa mère, et de le ramener au Texas.
Combats de coqs
Mike accepte et se rend dans la grande hacienda que possède celle-ci, femme de grande richesse mais de petite vertu, qui donne des fêtes débridées mais s'occupe peu de son fils. Celui-ci, entre vols de voitures et combats de coqs, vit principalement dans la rue pour échapper aux mauvais traitements que lui font subir sa mère et ses amis peu fréquentables.
Mike retrouve Rafo et réussit –sans trop de mal– à le convaincre de le suivre. Et voici le vieil homme et l'ado (qui ne se sépare pas de son coq de combat, baptisé Macho) sur la route entre le Mexique et le Texas. En empruntant des chemins de traverse pour échapper à la police et à un homme de main de la mère de Rafo, lancé à leur poursuite…
Histoires vraies et scénarios de fiction
C'est le 39e film de Clint Eastwood comme réalisateur depuis UN FRISSON DANS LA NUIT en 1971. Ces dernières années, il a surtout rendu hommage à des héros de l'histoire américaine récente, avec des films tirés d'histoires vraies: AMERICAN SNIPPER (2014), SULLY (2016), LE 15H17 POUR PARIS (2018) et LE CAS RICHARD NEWELL (2019).
Il ne s'est autorisé un scénario de fiction à suspense (quoique inspiré lui aussi d'un vrai fait divers) que dans LA MULE (2018), dans lequel il faisait son retour à l'écran comme acteur, pour la première fois depuis GRAN TORINO (2009).
De nouveau à cheval
Dans CRY MACHO, il replonge à la fois dans une histoire de fiction et dans un rôle d'acteur, remontant même à cheval près de trente ans après avoir rangé selle et éperons dans IMPITOYABLE (1992, Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur) et faisant le coup de poing. "Quand on remet le pied à l’étrier, on a le sentiment de n’avoir jamais raccroché", dit-il, modeste.
Mais on est loin de ses films marquants comme BIRD (1988), UN MONDE PARFAIT (1993), SUR LA ROUTE DE MADISON (1995), MYSTIC RIVER (2003) ou MILLION DOLLAR BABY (2004, Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur).
Touches d'émotion
Malgré quelques moments de délicatesse et des touches d'émotion (une veuve mexicaine patronne de restaurant avec ses quatre petites-filles), ce CRY MACHO est un road movie sans grande originalité, au scénario minimaliste seulement parsemé de quelques rebondissements, avec un Clint Eastwood fatigué et un jeune acteur débutant, Eduardo Minett, pas toujours très convaincant.
C'est également très bavard, lesté de longueurs qui sont prétextes à des dialogues, parfois touchants, parfois lourds, entre le vieux Mike et le jeune Rafo. "Tu penses avoir toutes les réponses puis tu réalises, en vieillissant, que tu n'en as pas. Le temps que tu comprennes, il est trop tard", dit le premier au second.
Inspecteur Harry
Au crépuscule de sa carrière (et de sa vie), Clint Eastwood regarde en arrière et semble se repentir ou, pour le moins, regretter l'image de macho qu'on lui reprochait au début de sa carrière d'acteur, quand il flinguait à tour de bras dans le rôle de l'inspecteur Harry ou ceux de cow-boys violents. "J'ai été beaucoup de choses, mais je ne le suis plus maintenant. Et je vais te dire une chose: ce truc de macho, c'est surfait", dit Mike à Rafo qui vante le nom de son coq Macho –qui, en espagnol, signifie "mâle" donc "fort".
Mais même si ce n'est pas son meilleur film (ni comme réalisateur, ni comme acteur), Clint Eastwood est irremplaçable: lunettes noires, chapeau de cow-boy, silhouette fine et voûtée, démarche lente, voix rauque, traits tirés, yeux qui plissent, rictus fréquent et sourire rare, on est heureux de le voir encore sur un écran…
Pas l'heure de la retraite
Et donc ce CRY MACHO est-il son ultime film, comme un testament? Non. Dans une récente interview au site américain Parade, voici quelle était sa réponse quand on lui demandait si l'heure de la retraite avait sonné, à 91 ans: "Je ne pense pas. Je cherche constamment ce que je vais faire ensuite. J'aime toujours prendre l'idée de quelqu'un, que ce soit un livre ou une pièce de théâtre, et la développer. Peut-être que d'autres personnes veulent faire quelques films et arrêter, et c'est génial. Peut-être qu'ils ont autre chose qu'ils pourraient faire et s'occuper. Pas moi. J'aime les films et j'aime les faire". On attend donc le prochain.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je ne sais pas comment guérir la vieillesse" (Clint Eastwood, à propos d'un vieux chien que des paysans mexicains lui présentent comme malade, mais qui est simplement en fin de vie).
Cry Macho
(États-Unis, 1h44)
Réalisation: Clint Eastwood
Avec Clint Eastwood, Eduardo Minett, Natalia Traven
(Sortie le 10 novembre 2021)
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