GLORIA MUNDI

Ainsi passe la gloire du monde

Famille recomposée (de gauche à droite): Robinson Stévenin, Lola Naymark, Anaïs Demoustier, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan (de dos) et Grégoire Leprince-Ringuet (©Diaphana Distribution).
Famille recomposée (de gauche à droite): Robinson Stévenin, Lola Naymark, Anaïs Demoustier, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan (de dos) et Grégoire Leprince-Ringuet (©Diaphana Distribution).

Toujours aussi pessimiste et désabusé mais toujours militant et idéaliste, Robert Guédiguian poursuit sa description sombre de la société actuelle et des relations humaines en pleine déliquescence dans son dernier film, GLORIA MUNDI.

Daniel (Gérard Meylan) sort de prison, où il a passé 20 ans pour meurtre, et retourne dans sa ville, Marseille. Son ex-femme Sylvie (Ariane Ascaride), qui fait des ménages et a refait sa vie avec Richard (Jean-Pierre Darroussin), chauffeur de bus, lui apprend qu'il vient d'être grand-père: leur fille Mathilda (Anaïs Demoustier) vient de donner naissance à une petite fille, Gloria.

Daniel fait donc connaissance avec la famille, après toutes ces années. Mathilda –qui n'est pas enchantée de le revoir–, vendeuse à l'essai dans une boutique de vêtements, et son mari Nicolas (Robinson Stévenin), chauffeur Uber, ont du mal à joindre les deux bouts, et la venue d'un enfant ne va pas faciliter les choses. Sa sœur cadette Aurore (Lola Naymark) et son compagnon Bruno (Grégoire Leprince-Ringuet) n'ont pas ces soucis financiers: ils tiennent un magasin de dépôt-vente et pour eux l'argent facile est devenu un mode de vie.

Quand un coup du sort met Nicolas dans une sale situation, la solidarité familiale est mise à l'épreuve. Alors Daniel décide d'intervenir, à sa façon, pour aider cette famille recomposée, dans cette société dure et sans pitié qu'il découvre après 20 ans derrière les barreaux…

Comme le personnage de Daniel, Gérard Guédiguian porte un regard désabusé sur sa ville, Marseille, et sur la société qui a beaucoup changé 20 ans après: Internet, pornographie, prostitution, uberisation de la société, disparition de la solidarité et des luttes syndicales, liens familiaux mis à mal, cynisme et arrivisme de la jeune génération. "Pour paraphraser Marx, partout où le néocapitalisme règne, il a foulé aux pieds les relations fraternelles, conviviales et solidaires pour ne laisser subsister d’autre lien entre les hommes que le froid intérêt, le dur argent comptant. Il a noyé tous nos rêves dans les eaux glacées du calcul égoïste. Voilà ce que ce film noir veut signifier à travers l’histoire d’une famille recomposée aussi fragile qu’un château de cartes", explique le réalisateur.

À 65 ans, le "Ken Loach français" continue de dénoncer, à travers des histoires de famille et de rapports humains, les ravages du libéralisme et les errements de la société actuelle, regrettant le temps passé où l'entraide était selon lui plus fréquente. Il le faisait dans son dernier film, LA VILLA, où jouaient déjà ses acteurs fétiches habitués de ses films depuis des années: Ariane Ascaride (sa femme dans la vie privée, et qui ici a reçu le prix de la meilleure actrice à la Mostra de Venise), Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan chez les anciens, Anaïs Demoustier et Robinson Stévenin chez les plus jeunes.

"Tout ce qu’un siècle de luttes ouvrières avait réussi à faire entrer dans la conscience des hommes, en un mot la nécessité du partage, a volé en éclats en quelques années pour rétablir ce fléau mortel qu’est la volonté de chacun de posséder ce que les autres possèdent", poursuit Robert Guédiguian. Ici l'atmosphère est encore plus sombre, avec le constat qu'outre les différences de classes sociales, la lutte économique est sans merci entre les défavorisés eux-mêmes, comme le montrent notamment les divergences entre grévistes et non-grévistes chez les agents de nettoyage avec lesquels travaille le personnage d'Ariane Ascaride.

Le jeune couple du film Mathilda et Nicolas ont choisi de baptiser leur fille Gloria parce qu'ils ont vu cela à la télévision dans un film qui leur a plu. Robert Guédiguian a titré son film GLORIA MUNDI. En latin, la locution "Sic transit gloria mundi" a pour traduction "Ainsi passe la gloire du monde".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"J'avais beau arracher les aiguilles de ma montre, le temps ne s'arrêtait pas" (dernière phrase du film, prononcée par Gérard Meylan).

 

GLORIA MUNDI

(France, 1h46)

Réalisation: Robert Guédiguian

Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan

(Sortie le 27 novembre 2019)