Le combat d'un avocat contre les fabricants de pesticides
"Inspiré en partie de faits réels", c'est un film de fiction mais "toute ressemblance n'est ni fortuite ni involontaire", prévient-on dès le générique: le film français GOLIATH, qui sort ce mercredi 9 mars, raconte le combat d'un avocat contre les fabricants de pesticides, une histoire qui rappelle la bataille menée ces dernières années contre le glyphosate du géant de l'industrie chimique Monsanto.
Ici le groupe agrochimique se nomme Phytosanis et le pesticide est la Tétrazine. Le film s'ouvre sur une plaidoirie de Patrick (Gilles Lellouche), modeste avocat parisien, qui défend les intérêts de Lucie, une agricultrice dont la compagne est décédée après des années d'utilisation de ce produit.
France (Emmanuelle Bercot), prof de sport le jour, manutentionnaire la nuit, s'est installée en Bretagne et milite au sein d'un collectif anti-pesticides car son mari est lui aussi atteint d'un cancer. Sa route va croiser celle de Patrick, après le suicide de Lucie, qui s'immole devant le siège parisien de Phytosanis.
Lobbyiste de choc
En face d'eux, le géant de l'industrie chimique a engagé Mathias (Pierre Niney), un lobbyiste de choc, efficace et brillant, spécialisé dans la défense de gros dossiers: après celui du pétrole et des partisans du diesel, ce sont les fabricants d'OGM et de pesticides qu'il représente auprès des hommes politiques, des technocrates de Bruxelles, de la presse, dans les réseaux sociaux et les cercles d'influence.
Entre Patrick l'avocat et Mathias le lobbyiste, c'est une bataille au long cours qui s'engage, impitoyable. Un combat entre David et Goliath…
Face-à-face
"Je crois que mes films racontent toujours le même face-à-face des hommes civilisés et des hommes non-civilisés. Dans GOLIATH, la figure d’un lobbyiste –soit quelqu’un de pire, de plus pitoyable à mes yeux que l’entrepreneur qui l’emploie– s’est tout de suite imposée, tout comme un autre personnage qui allait se situer à son opposé et pâtir de cette situation: une femme qui se serait retirée de la ville en espérant avoir une belle vie mais qui se retrouve à se battre contre ceux qui ont provoqué le cancer de son homme", explique le réalisateur Frédéric Tellier, à propos des personnages de Mathias et de France.
"Et au milieu de ces deux-là, un troisième personnage: celui qui représente la loi et mène son enquête", ajoute-t-il à propos du personnage de Patrick. "Ça aurait pu être un journaliste mais cette figure a été beaucoup vue au cinéma, ça aurait aussi pu être un homme politique, mais on a finalement opté pour un avocat. Quelqu’un de droit".
Troisième film
C'est le troisième film de Frédéric Tellier qui, après plusieurs courts-métrages et téléfilms, s'était fait connaître du grand public en 2014 par son premier long-métrage L'Affaire SK1, fiction tirée de l'histoire vraie du tueur en série parisien Guy Georges dans les années 1990. Puis il a réalisé SAUVER OU PÉRIR (2018), là encore inspiré de faits réels, l'histoire d'un sapeur-pompier parisien (Pierre Niney) qui, gravement brûlé, réapprend à vivre.
Le film, avec de nombreux personnages annexes (Jacques Perrin, Marie Gillain, Laurent Stocker) et des moments de suspense, est militant et, pour une efficacité maximale, sans beaucoup de nuances: il y a les bons d'un côté et les méchants de l'autre. Ce choix s'illustre, par exemple, par deux scènes qui se succèdent, dans la première partie du film: un déjeuner guindé en costards-cravates organisé par les lobbyistes dans un restaurant de luxe au pied du Mont Saint-Michel (les méchants) est suivi d'une joyeuse kermesse sous un hangar en province avec des provinciaux conviviaux et sympathiques (les bons).
Cynique et brillant
Des trois personnages principaux, celui interprété par Pierre Niney (très présent sur les écrans ces temps-ci, avec BOÎTE NOIRE et AMANTS) est le plus fort, aussi cynique que brillant, aussi salaud qu'efficace.
Son affrontement avec l'avocat interprété par Gilles Lellouche (vu récemment dans BAC NORD et ADIEU MONSIEUR HAFFMANN) est la colonne vertébrale du film, avec notamment une scène magistrale, aux dialogues forts, quand les deux se rencontrent.
Un autre monde
Quant à France, interprétée par Emmanuelle Bercot, elle résume en fin de film le message global que veut transmettre le réalisateur: "J'ai honte de vivre dans ce monde où chaque jour l'obsession du profit dévore nos vies". Et d'ajouter: "Je veux croire qu'il y a un autre monde possible", réflexion qui fait écho à un autre film récent dénonçant non pas les fabricants de pesticides mais le capitalisme sauvage en général.
Comme un autre film français récent, ROUGE, qui parlait de la pollution des boues rouges en Méditerranée, GOLIATH veut se situer, par sa force et son efficacité, dans la lignée des thrillers judiciaires américains dénonçant, souvent sur la base de faits réels, des scandales écologiques ou sanitaires mettant en scène des multinationales toutes-puissantes et sans scrupules: du MYSTÈRE SILKWOOD ou Erin Brockovich aux plus récents PROMISED LAND ou DARK WATERS, en passant par RÉVÉLATIONS ou THANK YOU FOR SMOKING ou THE CONSTANT GARDENER.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Ils sont en train de privatiser la nature" (Jacques Perrin, ancien collaborateur de l'industrie chimique, devenu expert écologiste).
(France, 2h01)
Réalisation: Frédéric Tellier
Avec Gilles Lellouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot
(Sortie le 9 mars 2022)
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