C'est l'histoire d'un petit cheval caractériel et d'un cavalier aussi tête de mule que lui. Même si ce n'était pas évident au début, ils étaient faits l'un pour l'autre: Jappeloup et Pierre Durand, qui obtinrent la médaille d'or du concours d'obstacles aux Jeux olympiques de Séoul en 1988 après avoir échoué quatre ans plus tôt aux Jeux de Londres.

Jappeloup, a priori trop petit (1,58m au garrot) pour le saut d'obstacles, avait une détente et une énergie exceptionnelles. Quand Serge Durand (Daniel Auteuil), le père de Pierre Durand (Guillaume Canet), l'achète au début des années 80 pour son club d'équitation à Saint-Seurin dans la région bordelaise, personne ne croit vraiment qu'il sera un jour médaille d'or olympique. D'autant que Pierre décide d'abandonner l'équitation pour se consacrer à sa carrière d'avocat à Bordeaux.

Mais celui-ci se laisse convaincre par son père, à qui il voue une profonde affection, et par sa fiancée et future femme (Marina Hands), qu'il a longtemps ignorée: ''Tu n'as jamais eu l'oeil pour voir les bons chevaux, toi. Comme pour les filles'', lui reproche-t-elle ironiquement.

Il faudra des années pour que Jappeloup apprivoise Pierre Durand, et réciproquement, jusqu'au triomphe final. Le film raconte cette histoire mais n'est pas gnangnan, il évite volontairement l'anthropomorphisme, on ne prête aucun sentiment ou aucune pensée au petit cheval, et son cavalier ne vient pas lui murmurer à l'oreille ou lui faire des bisous dans le cou. Ce n'est que très tard, dans le film, qu'on verra Guillaume Canet venir parler à sa monture. Et, un peu plus tard, en lui tapant sur l'encolure, avant la seconde manche du concours olympique de Londres, lui glisser doucement: ''T'arrête pas, Jappe. Je t'en supplie, t'arrête pas''.

Ce biopic est tout autant celui de Pierre Durand –qui n'avait pas que des qualités, il est décrit ici comme souvent égoïste ou coléreux-- que celui de Jappeloup. Réalisé par le Canadien Christian Duguay (plus connu pour ses films d'action hollywoodiens CONTRAT SUR UN TERRORISTE en 1997 avec Ben Kingsley, ou L'ART DE LA GUERRE en 2000 avec Wesley Snipes), le film est surtout l'oeuvre du Ben Affleck français, Guillaume Canet, scénariste, dialoguiste et acteur.

Même s'il n'en est pas le réalisateur, c'est le film le plus personnel de Guillaume Canet. Parce que les relations père-fils chez les Durand ressemblent à ce qu'il a vécu. Et parce que l'acteur a longtemps fait de l'équitation en compétition dans sa jeunesse, tout comme Marina Hands (son premier amour d'adolescent, à 13-14 ans) et comme Christian Duguay, qui a lui aussi fait du cheval à un bon niveau au Canada.

''Je voulais injecter dans le scénario certaines choses plus personnelles car il y a des similitudes entre le destin de Pierre Durand et le mien. Cette volonté, à un moment donné, d’arrêter la compétition en laissant un père passionné ne m’était pas étrangère'', explique Guillaume Canet. ''Mon père était éleveur de chevaux, il s’est énormément endetté pour créer sa société. À 18 ans, j’ai eu beaucoup de mal à lui dire que j’arrêtais tout pour devenir acteur. (…) J’ai donc eu envie d’aborder cette problématique: revenir à la compétition pour faire plaisir à son père, est-ce forcément une mauvaise raison?''

Librement adapté du roman ''Crin Noir'' de Karine Devilder, la belle-soeur de Pierre Durand, JAPPELOUP, avec ralentis et effets speciaux, suspense et émotion, est passionnant, même pour ceux qui ne sont pas fans d'équitation. Il dure plus de deux heures, mais le petit cheval à la tache blanche sur le front (six chevaux différents se sont relayés pour le rôle) n'occupe pas tout l'écran tout le temps et laisse la place à l'aventure humaine familiale qui fait la valeur du film.

''Ce film est comme je l’avais rêvé: une sorte de ROCKY dans le monde du cheval, une aventure sportive basée sur une histoire humaine forte'', explique Guillaume Canet. ''Il y a tout ce que j’aime dans les films populaires: de grands défis, de beaux personnages, un peu d’humour et beaucoup d’émotion''.

Pour tenir le rôle, l'acteur a repris l'équitation, six semaines avant le début du tournage. Et il a, depuis, repris la compétition et acheté deux chevaux.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

''Il est tout petit, c'est un tout petit modèle. Il n'a pas l'air d'avoir beaucoup d'équilibre'' (Guillaume Canet, dans le rôle de Pierre Durand, la première fois qu'il voit Jappeloup).

JAPPELOUP

(France, 2h10)

Réalisation: Christian Duguay

Avec Guillaume Canet, Marina Hands, Daniel Auteuil

(Sortie 13 mars 2013)