Premiers émois adolescents québécois
Elle a 14 ans, elle est ronde, on se moque d'elle au lycée mais elle ne se laisse pas faire. Dans JEUNE JULIETTE, film québécois rafraîchissant et optimiste, une adolescente fait fi du regard des autres.
Juliette est effrontée, malicieuse, intelligente, cultivée, sympathique, elle a le sens de l'humour et de la répartie, c'est "un trésor caché" selon son prof de français. Mais Juliette n'a pas la vie facile tous les jours. Elle a l'âge, au sortir de l'enfance, où le regard des autres commence à la perturber.
Car Juliette est grosse, certains élèves du lycée la traitent d'"obèse morbide" et de "grosse torche". Heureusement son père et son grand frère, très proches d'elle, la soutiennent. Elle communique par Skype avec sa mère, séparée de son père et avocate à New York. Et surtout elle a une (seule) amie, Léane, solitaire comme elle, qui comme elle trouve que les autres élèves de la classe –et notamment les garçons– manquent singulièrement d'intérêt.
Tous les garçons, sauf un. Liam, le meilleur ami de son frère, beau gosse, un peu rebelle, un peu musicien, cheveux longs et bras musclés, a tapé dans l'œil de Juliette. "Est-ce que tu penses que c'est possible qu'un gars tombe en amour avec moi?", demande-t-elle à son père. "Un jour, c'est sûr. Mais pas tout de suite, là", répond-il. Car pour Juliette, à 14 ans, les premiers émois amoureux ne sont pas faciles à vivre…
"Je dois reconnaître qu’il y a beaucoup de moi dans le film", explique la réalisatrice québécoise Anne Émond, 37 ans, dont c'est le quatrième long métrage. "J’étais une adolescente très rondelette, je pesais près de 30 kilos de plus que maintenant. Comme Juliette, j’étais très solitaire, je n’avais qu’une, peut-être deux amies. L’imagination survoltée de Juliette, qui se raconte beaucoup d’histoires et s’écrit des lettres à elle-même, est également très proche de moi, tout comme l’intimidation à laquelle elle doit faire face à l’école. Je l’ai vécue..."
JEUNE JULIETTE est un film sur le regard des autres, sur la différence, sur l’acceptation de soi et des autres. C'est un film d'ados mais pas seulement pour les ados, les adultes pourront s'y reconnaître et l'apprécier aussi.
Car on y aborde des sujets sérieux ou graves (homosexualité, différences, harcèlement scolaire, crise de l'adolescence, cruauté et intolérance) mais sur un ton léger, avec "beaucoup d'humour et d'espoir", revendique la réalisatrice. "Il y a énormément de films qui parlent des adolescents de manière très, très sombre et qui sont un peu déprimants. J'avais envie de faire un film qui soit drôle, tendre et bienveillant", expliquait-elle récemment dans une interview à TV5-Monde (vidéo à voir ici). "Il m’importait de réaliser un film léger et lumineux, pour montrer aux gens, particulièrement aux jeunes, que ce qu’on vit à l’adolescence s’arrange globalement par la suite!".
Pour interpréter cette ado "si différente et si normale" qui, dit-elle, parvient à "trouver sa place sans jamais être une victime", elle a trouvé une jeune actrice, Alexane Jamieson, dont c'est le premier rôle au cinéma après quelques publicités, pièces de théâtre et séries télé. Elle est formidable et est pour beaucoup dans le charme simple et frais de ce film sympathique et optimiste.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Faudrait peut-être apprendre à aimer les gens qui vous aiment et arrêter de courir après les gens qui ne vous aimeront jamais" (le prof de français de Juliette).
JEUNE JULIETTE
(Canada, 1h37)
Réalisation: Anne Émond
Avec Alexane Jamieson, Léanne Désilets, Robin Aubert
(Sortie le 11 décembre 2019)