Ariel pour de vrai
Trente-quatre ans après, Ariel ressort à nouveau de l'eau. Les studios Disney ont imaginé un remake de LA PETITE SIRÈNE, leur dessin animé de 1989 devenu un classique. Mais en vrai: cette nouvelle version (sur les écrans français ce mercredi 24 mai) est filmée en prises de vue réelles, avec de vrais acteurs. Et le pari, risqué, est réussi: ce remake est excellent, inventif et poétique, sans bavure.
Le scénario reprend celui du dessin animé, lui-même adapté d'un conte écrit par l'auteur danois Hans Christian Andersen en 1837. On est dans les années 1830, dans les eaux d'une île fictive des Caraïbes, un royaume qui ressemble à un paradis terrestre et dont le prince héritier, Eric (Jonah Hauer-King), a soif d'aventure et d'ouverture au monde.
Sous l'eau, c'est le roi Triton (Javier Bardem) qui règne en maître dans les océans, avec l'aide de ses 7 filles qui surveillent les 7 mers de la planète bleue. Mais il a des soucis avec Ariel (Halle Bailey), la plus jeune et la plus fougueuse, rebelle dans l'âme, qui malgré son interdiction se sent attirée par le monde des humains et collectionne dans sa grotte secrète, avec une candeur attendrissante, les objets recueillis dans les épaves des navires: fourchettes, vaisselle, clés, chandeliers, montres, boites, longue-vue, bouteilles, bijoux, livres…
Sauvé de la noyade
Un soir de tempête, le navire d'Eric et de son équipage fait naufrage et prend feu. Alors que le jeune prince se retrouve seul et sur le point de se noyer, il est sauvé par Ariel qui le dépose, inconscient, sur une plage avant de s'en aller. Eric a juste eu le temps de l'apercevoir et n'a qu'une idée: la retrouver.
Ariel, elle, est tombée amoureuse de ce prince charmant et désire plus que jamais se retrouver dans le monde des humains. Un désir qui n'a pas échappé à sa tante la pieuvre Ursula (Melissa McCarthy), méchante sorcière des mers qui, tapie dans sa grotte avec ses deux murènes, va en profiter pour lui proposer un pacte diabolique…
Les méchants chez Disney
Les méchants chez Disney sont toujours particulièrement réussis et ce personnage d'Ursula ne fait pas exception. Il contrebalance parfaitement les trois personnages sympathiques qui vont aider Ariel tout au long du film: le petit poisson Polochon, son meilleur ami prêt à se dévouer pour elle; le crabe Sébastien, pince-sans-rire et intelligent, chargé par Triton de veiller sur elle; et la femelle goéland Eurêka, courageuse mais pas très futée.
Mais c'est bien sûr le couple Ariel-Eric qui retient l'attention du spectateur. Deux acteurs peu connus ont été choisis pour les interpréter: Jonah Hauer-King est un prince gentil et doux, beau garçon, parfois un peu éteint; et l'on n'a d'yeux que pour Halle Bailey, petite sirène au joli deux-pièces bleu-vert (soutien-gorge bien ajusté et queue vibrionnante), aux dreadlocks rousses et à la peau noire.
Actrice noire
Ce choix d'une actrice noire n'a pas plu à tout le monde. Mais les studios Disney ont résisté aux critiques et défendu ce symbole de modernité et d'ouverture d'esprit, tout comme le message écolo du film sur la pollution marine et l'équilibre des océans menacé par l'homme, et le caractère bien trempé d'une petite sirène qui veut choisir son destin.
C'est ce qu'explique le réalisateur du film, Rob Marshall, à qui l'on doit notamment la comédie musicale CHICAGO (2002), le 4e épisode de la saga Pirates des Caraïbes (LA FONTAINE DE JOUVENCE, 2011) et plus récemment LE RETOUR DE MARY POPPINS (2018). Pour lui, sa PETITE SIRÈNE est "une histoire très moderne sur une fille qui ne se sent pas à sa place et envisage sa vie différemment de ceux qui l'entourent".
Antidote aux divisions du monde
"Avec beaucoup de passion et de courage", poursuit-il, "elle se lance dans un voyage épique à la découverte d'elle-même en abattant les barrières et en apprenant à ne pas avoir peur de «l’autre», ce qui, dans son cas, s’applique aux humains. Ces thèmes très contemporains nous ont semblé être un antidote aux divisions du monde et un rappel essentiel sur le fait que nous ne faisons qu'un".
Au début le film comporte beaucoup d'images de synthèse, décrivant notamment les superbes fonds marins et les créatures de la vie aquatique. Et l'on se dit que ce n'est finalement pas très différent d'un dessin animé et que le film est un peu hybride, comme une sirène mi-femme mi-poisson.
Chansons originales
Mais assez vite, quand l'action se déplace sur la terre ferme, les prises de vue réelles et les vrais acteurs –une petite sirène en chair, en os et en arêtes– font toute la différence. On oublie alors le dessin animé et l'on savoure une comédie musicale avec les mêmes chansons originales (dont l'Oscar 1990 de la meilleure chanson, Sous l’océan), plus trois chansons nouvelles. Ces chansons sont l'occasion de scènes de transition, pauses régulières et bienvenues dans un scénario assez rythmé.
Seul petit défaut de ce film drôle et charmant, qui mêle aventure et romantisme: c'est un peu long (2h10). Mais on ne s'ennuie pas, il y a un vrai suspense, les chansons défilent sans trop d'insistance et l'humour du crabe Sébastien entretient de manière permanente un ton léger et sympathique. Et bien sûr, ce n'est pas spoiler que de révéler que l'Amour triomphera et que tout finira bien –et pas en queue de poisson.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je regrette que tu aies dû perdre ta voix pour être entendue" (à la fin, le roi Triton à sa fille Ariel, dont il comprend enfin les aspirations).
("The Little Mermaid") (États-Unis, 2h10)
Réalisation: Rob Marshall
Avec Halle Bailey, Jonah Hauer-King, Javier Bardem
(Sortie le 24 mai 2023)
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