La musique contre la guerre
Contre les fanatiques de l'État islamique, un jeune Syrien n'a qu'une seule arme: son piano. C'est une histoire "inspirée de faits réels" que raconte le film LE DERNIER PIANO, du réalisateur libanais Jimmy Keyrouz, qui sort sur les écrans ce mercredi 13 avril.
Le film a été retenu dans la sélection officielle virtuelle du Festival de Cannes 2020 (qui n'a pas eu lieu en raison de la pandémie de Covid) et a représenté le Liban aux Oscars 2021.
C'est la guerre civile en Syrie, on est en 2013 et les combattants de l'État islamique ont pris le contrôle du village dans lequel vit Karim (Tarek Yaacoub), un pianiste de talent âgé d'une vingtaine d'années. Le jeune homme vit caché dans l'immense cave d'un immeuble, avec plusieurs autres familles et, le soir, pour remonter le moral de ses colocataires, il joue quelques notes.
Vivre caché
Là, en sous-sol, dorment des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards. Car dans le village il faut vivre caché pour continuer de mener une existence presque normale: l'État islamique interdit la musique, le tabac, l'alcool, brûle les livres, exécute les homosexuels.
Karim n'a qu'une idée: quitter le pays. Il a l'opportunité de passer une audition à Vienne. Mais pour payer le passeur qui l'aidera à s'enfuir via la Turquie puis la Grèce, il doit vendre à un commerçant véreux ce qu'il a de plus précieux: son piano, dont il a hérité de sa mère.
Réparer le piano
Son plan va être contrecarré par une descente de combattants de l'État islamique dans la cave, en plein jour. Les hommes armés tirent une rafale de mitraillette sur le piano et l'endommagent sérieusement.
Karim va alors se mettre en quête de pièces de rechange et d'outils pour réparer son piano. Il va bénéficier de l'aide de Ziad, 10 ans, dont le père a été enlevé par l'État islamique. Il va aussi devoir se rendre dans la ville lointaine de Ramza, ville assiégée et au cœur du conflit, où une résistante armée, Samar (Rola Baksmati), va tenter de l'aider…
Plusieurs histoires vraies
"Le récit est basé sur plusieurs histoires vraies dont celle d’un jeune pianiste qui a été découvert en train de jouer du piano, avec l’ambition de redonner de l’espoir à ses voisins, défiant ainsi le pouvoir en place dans son village", explique le réalisateur Jimmy Keyrouz, qui en avait fait d'abord un court métrage avant de le développer en long métrage.
Il a obtenu l'accord du musicien Gabriel Yared, d'origine libanaise, pour la musique originale du film. Celui-ci a été tourné en grande partie au Liban, et les extérieurs dans les décombres de Mossoul, la ville d'Irak qui fut la "capitale" de l'État islamique de 2014 à 2017.
Ce que démocratie veut dire
Avec ces décors de ruines, ces combats, ce fanatisme de l'État islamique, ces populations obligées de vivre cachées dans des caves, LE DERNIER PIANO n'est pas un film qui va remonter le moral des spectateurs, en cette période actuelle de mainmise des Talibans sur l'Afghanistan, d'exactions au Mali et de guerre en Ukraine.
Mais, même si l'histoire est un peu décousue et manque de rythme, c'est un film touchant et humaniste, à la réalisation très soignée. C'est du cinéma qui émeut et fait réfléchir avant de penser à divertir, c'est du cinéma qui rappelle ce que démocratie veut dire.
"Ce film représente le combat pour l’art et l’impact profond qu’il a sur une société brisée", conclut le réalisateur. "Il rappelle que même dans un monde déchiré par la guerre, le terrorisme et les violations quotidiennes des droits de l’homme, la beauté de la musique et son pouvoir fédérateur ne diminuent pas, ce qui en fait une cause pour laquelle il vaut la peine de se battre".
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Cette folie s'arrêtera bien un jour" (la cousine de Karim).
("Broken Keys") (Liban, 1h50)
Réalisation: Jimmy Keyrouz
Avec Tarek Yaacoub, Rola Baksmati, Mounir Maasri
(Sortie le 13 avril 2022)
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