Et ta soeur ?
Un roman de 650 pages vendu à deux millions d’exemplaires et traduit en 31 langues: c’est à un gros morceau que s’est attaquée la réalisatrice Cécile Telerman en adaptant au cinéma Les yeux
jaunes des crocodiles, le best-seller de Katherine Pancol paru
en 2006.
C’est l’histoire de deux sœurs que tout oppose. Joséphine (Julie Depardieu), historienne spécialisée dans le XIIème siècle, a du mal à joindre les deux bouts depuis que son mari (Samuel Le
Bihan) l’a quittée pour aller élever des crocodiles en Afrique du Sud avec sa coiffeuse. Elle a deux filles ados, dont l’aînée lui pourrit la vie.
La sœur de Joséphine, Iris (Emmanuelle Béart), vit au contraire dans l’opulence et la futilité. Elle est mariée à un riche avocat d’affaires (Patrick Bruel) et mène une vie de Parisienne oisive,
s’occupant à peine de leur jeune fils.
Un soir, lors d’un dîner mondain, Iris se vante d’écrire un roman. Prise dans son mensonge, elle persuade sa sœur d’écrire le livre à sa place, en promettant de lui laisser les droits
d’auteur.
Le succès du livre va changer la vie de chacune d’elles, leur relation, et bien d’autres choses…
Film de commande du producteur qui avait acheté les droits du roman de Katherine Pancol, c’était une mission délicate pour Cécile Telerman, réalisatrice de deux longs métrages, TOUT POUR PLAIRE en 2005 (avec Anne Parillaud, Judith Godrèche, Mathilde Seigner) et QUELQUE CHOSE À TE DIRE en
2009 (avec Mathilde Seigner, Pascal Elbé, Charlotte Rampling).
Le résultat est globalement positif, grâce notamment à Julie Depardieu et Patrick Bruel, qui rendent crédibles des personnages à première vue caricaturaux mais finalement plus complexes que
prévu. Emmanuelle Béart a un rôle plus classique, mais s’en tire bien.
Le film pèche un peu par son côté touffu, tant dans le scénario que dans les personnages secondaires. ’’Dans un certain type de littérature française, je trouve les romans un peu courts,
désincarnés, trop squelettiques. Les Yeux jaunes des crocodiles est au contraire très foisonnant: il y a énormément de personnages, de détails, de péripéties...’’, reconnaît Cécile
Telerman, qui n’a pas toujours su faire le tri.
Mais pour les seconds rôle le casting est également impeccable, d’Edith Scob, en mère un peu indigne, à Jacques Weber et Karole Rocher, en couple peu conventionnel, en passant par la jeune
Alice Isaaz, révélation du récent LA CRÈME DE LA CRÈME
et ici parfaite en petite peste adolescente à qui l’on filerait bien deux claques.
La fin est un peu mélo, cousue de fil blanc et un peu invraisemblable. Mais on ne s’ennuie pas. Et le film aborde de façon intéressante les relations familiales (mère-fille, sœurs) et la question
de l’indépendance des femmes (économique, sentimentale, sociale).
Katherine Pancol se dit plutôt satisfaite de l’adapatation: ’’J’étais présente en pointillé. Je veillais de très loin à ce que les personnages, dans leurs propos ou leurs actes, restent
fidèles à la façon dont je les avais écrits. Mais, à partir du moment où vous cédez vos droits, il faut savoir rester en retrait et faire confiance’’.
Elle avait de toute façon un espion dans la place puisque c’est sa propre fille, Charlotte de Champfleury, qui a co-signé le scénario avec la réalisatrice Cécile Telerman.
Les yeux jaunes des crocodiles fait partie d’une trilogie, dont les deux autres volets furent La valse lente des
tortues et Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi. Le producteur a acheté les droits des deux autres livres, qui seront donc peut-être eux aussi adaptés.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
’’J’ai 44 balais, et bientôt mes rides seront aussi creuses que ma vie. C’est pathétique’’ (Emmanuelle Béart).
LES YEUX JAUNES DES CROCODILES
(France, 2h02)
Réalisation: Cécile Telerman
Avec Julie Depardieu, Emmanuelle Béart, Patrick Bruel
(Sortie le 9 avril 2014)