LOVELACE

De profundis

Amanda Seyfried est Linda Lovelace (©Helios Films)
Amanda Seyfried est Linda Lovelace (©Helios Films)

C'est le film porno le plus célèbre de l'histoire du cinéma: en 1972, GORGE PROFONDE devient le symbole de la libération sexuelle aux États-Unis. Et son interprète principale, Linda Lovelace, l'une des premières stars internationales du porno.
Mais l'histoire finit mal. Linda Lovelace arrêtera vite de faire ce genre de films, deviendra une militante anti-pornographie et terminera sa vie anonyme et sans le sou, décédée dans un accident de voiture en 2002 à l'âge de 53 ans.
A la fin des années 60, Linda (Amanda Seyfried), coincée entre son père policier et sa mère (Sharon Stone) catholique puritaine, trouve un moyen de s'évader et d'embrasser la vie avec enthousiasme: elle n'a pas 20 ans quand elle rencontre Chuck Traynor (Peter Sarsgaard), personnage charmeur et un peu louche, qu'elle épouse pour pouvoir quitter le domicile familial.
Il lui apprend beaucoup de choses, et pour certaines d'entre elles, elle est très douée. Elle aurait pu faire carrière comme avaleuse de sabres dans un cirque, mais c'est dans une autre branche artistique qu'il l'introduit: le cinéma porno.
Il a des copains dans ce secteur du show-biz et n'a aucun mal, petit film intime à l'appui, à les convaincres des capacités de la jeune Linda. Celle-ci, amoureuse et soumise, accepte de jouer quelques scènes pornos.
C'est soudain la gloire quand, en juin 1972, sort GORGE PROFONDE, réalisé par Gerard Damiano. L'histoire d'une jeune femme qui a le clitoris au fond de la gorge et qui, pour pouvoir prendre son plaisir, devient experte en fellation.
Le film –l'un des tout premiers du genre à comporter un vrai scénario– est un phénomène dans les salles, même si certains États l'interdisent. Linda Lovelace devient une vedette, scandaleuse certes, mais en pleine lumière. Elle est applaudie aux avant-premières, est invitée dans les soirées, rencontre le patron de Playboy Hugh Hefner, est interviewée par des magazines.
Mais ''ce n'est qu'un film'', dit-elle. Le succès va d'autant moins lui monter à la tête que son mari la frappe, la viole, la prostitue, la menace...
Amanda Seyfried, dans un rôle difficile, s'en tire plutôt bien. Elle n'a pas eu peur de compromettre sa carrière par plusieurs scènes topless, ce qui n'est pas toujours très bien vu à Hollywood où le puritarisme n'a pas baissé les bras.
Le film, biopic honnête et sans excès de voyeurisme, se termine sur le ton du mélo, dans son désir de rendre hommage à cette femme qui devint une icône du jour au lendemain, sans l'avoir voulu, presque par hasard.
Révolution sexuelle? Les hommes ont été les premiers à en profiter, même si le féminisme s'est développé parallèlement: Linda Lovelace a vécu les deux aspects du phénomène, d'abord en goûtant à une liberté toute relative sous la férule de Chuck Traynor, avant de se révolter et de quitter le milieu.
Elle ne toucha jamais son cachet de 1.250 dollars pour GORGE PROFONDE, un film dont on estime les recettes, à ce jour, à 600 millions de dollars.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''N'oublie pas de respirer'' (conseil de Chuck Traynor à Linda Lovelace, à ses débuts dans sa spécialité).

LOVELACE
(États-Unis, 1h33)
Réalisation: Rob Epstein et Jeffrey Friedman
Avec Amanda Seyfried, Peter Sarsgaard, Sharon Stone
(Sortie le 8 janvier 2014)