Deux hommes d'exception
''C’était l’époque où le sexe était sans danger et où conduire était dangereux''. Tout le contraire d'aujourd'hui, quoi.
Pardon pour les moins de 40 ans, mais les années 70, c'était autre chose. ''C’est une époque que je trouve captivante, une période intéressante et fascinante sur le plan de l’histoire et de la
culture populaire'', dit le réalisateur américain Ron Howard.
C'est l'époque où il cessa de faire l'acteur dans la série télé HAPPY DAYS, LES JOURS HEUREUX pour se lancer dans la réalisation. C'est l'époque où se situe son dernier film, RUSH, qui raconte la
rivalité de deux champions mythiques de la Formule-1, l'Autrichien Niki Lauda et le Britannique James Hunt.
C'est l'époque où, quelques heures avant la course, pilotes et équipes de F1 dégustaient caviar, huîtres, champagne, cigarettes et jolies filles. Hunt était un des symboles de cette aristocratie
du sport qu'étaient les pilotes de course: playboy, insouciant, téméraire, doué, brûlant la vie par les deux bouts.
Lauda, lui, était tout le contraire. Physique ingrat, maniaque, perfectionniste, travailleur infatigable, bon pilote mais surtout génie de la mise au point et des réglages techniques, perpétuel
insatisfait. ''Le bonheur c'est l'ennemi, ça affaiblit, ça fait douter'', dira-t-il au soir de son mariage.
Le film RUSH se situe en 1976, au plus fort de la rivalité entre Lauda et Hunt. Celle-ci avait pris naissance six ans plus tôt, en Formule-3, puis était montée crescendo jusqu'en 1975, quand
l'Autrichien fut sacré champion du monde au volant d'une Ferrari, mettant fin à sept années de domination de l'écurie Ford.
En 1976, Lauda est toujours chez Ferrari et Hunt a trouvé une place chez McLaren. L'Autrichien est largement en tête du classement du Championnat du monde quand se dispute le 10e Grand Prix de la
saison, celui d'Allemagne, sur le Nürburgring, circuit de 22km aux 177 virages, connu pour être l'un des plus dangereux.
La veille de ce 1er août 1976, il a plu des cordes et la météo reste très incertaine. Lauda réunit les pilotes et propose d'annuler la course, la sécurité n'étant pas assurée. La majorité des
pilotes, dont Hunt, refusent.
Le GP d'Allemagne a donc lieu, et Lauda est victime d'un grave accident. Il est brûlé au troisième degré, en partie défiguré, a les côtes brisées et souffre d'intoxication aux poumons. (Âmes
sensibles, attention, ces quelques minutes du film, à l'hôpital, sont éprouvantes pour le spectateur).
Miracle ou presque, 42 jours plus tard, Lauda fait son retour en course, le 12 septembre 1976, au Grand Prix d'Italie. Il se classe quatrième et garde son avantage sur Hunt au classement du
Championnat du monde.
Dès lors la rivalité entre les deux hommes se réglera dans l'ultime épreuve de la saison, le Grand Prix du Japon. Lauda a 68 points et Hunt 65. Il pleut des cordes sur le circuit de Fuji
Speedway. Suspense...
RUSH est l'un des meilleurs films jamais réalisés sur les courses automobiles. Les fans y retrouveront les faits et détails vrais de l'histoire de la compétition, les profanes s'attacheront
plutôt à l'histoire d'une rivalité à la vie à la mort entre deux adversaires qui, à force de se détester, en étaient presque devenus des amis.
Le film alterne les séquences de course (pas trop nombreuses, mais impeccablement réalisées) et les scènes de la vie de Hunt et Lauda, avant, pendant et après cette fameuse année 1976. Le
suspense autour du G.P. du Japon est remarquablement mis en scène et donne au film, vers sa fin, une force émotionnelle et une intensité dramatique rares –même pour ceux qui se rappellent du
résultat.
La ressemblance physique des deux acteurs principaux avec les deux personnages est l'une des autres belles surprises de ce RUSH. L'Australien Chris Hemsworth, remarqué dans le rôle de THOR, est
un James Hunt au physique de playboy et à la décontraction de champion de F1. L'acteur allemand Daniel Brühl, que
l'on a vu dans JOYEUX NOËL et INGLORIOUS BASTERDS, a bénéficié de prothèses et de maquillage pour camper un Niki Lauda plus vrai que nature.
Film de commande, RUSH prouve une nouvelle fois l'éclectisme de Ron Howard, dont aucun film ne ressemble à un autre, touche-à-tout habile et talentueux, parfois pris de haut par la critique mais
réalisateur de nombreux succès populaires depuis les années 80: WILLOW (1988, avec Val Kilmer), HORIZONS LOINTAINS (1992, avec Tom Cruise et Nicole Kidman), APOLLO-13 (1995, avec Tom Hanks),
UN HOMME D'EXCEPTION (2001, avec Russell Crowe), LES DISPARUES (2003, avec Tommy Lee Jones et Cate
Blanchett), DA VINCI CODE (2006, avec Tom Hanks et Audrey Tautou), et maintenant ce RUSH, histoire de deux hommes d'exception.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Ne cherche pas la normalité chez un type qui cherche à mourir au volant'' (James Hunt à sa femme, qui voudrait avoir épousé un homme
''normal'').
RUSH
(États-Unis, 2h03)
Réalisation: Ron Howard
Avec Chris Hemsworth, Daniel Brühl, Olivia Wilde
(Sortie le 25 novembre 2013)