SALAUD, ON T'AIME

Lelouch, Johnny et Eddy

Eddy, Sandrine, Johnny: on vous aime (©Les Films 13)
Eddy, Sandrine, Johnny: on vous aime (©Les Films 13)

Ce sont deux monstres sacrés. Pas du cinéma, mais de la chanson. Les deux plus grands rockers francophones vivants, Johnny Hallyday et Eddy Mitchell, sont réunis par Claude Lelouch pour son 44e film, SALAUD, ON T'AIME.
Ce sont les meilleurs amis du monde. Jacques Kaminsky (Johnny), ancien photographe de presse, s'installe dans un chalet magnifique en pleine montagne, pour y finir ses jours en toute tranquillité.
Son ami et médecin personnel, Frédéric Selman (Eddy), débarque avec sa femme pour passer quelques jours dans cette nouvelle demeure, au milieu de la nature et entourée de paysages superbes.
Entre-temps, depuis son installation, Jacques a quitté un épouse encombrante et est tombé amoureux de Nathalie (Sandrine Bonnaire), la responsable de l'agence immobilière qui lui a trouvé cette belle maison. Veuve depuis deux ans, mère de jumeaux de 15 ans, elle s'est installée avec lui pour une nouvelle vie.
Quand Frédéric Selman débarque, il a l'idée d'un gros mensonge. Pour aider son ami Jacques, il va faire croire à ses quatre filles que celui-ci est gravement malade.
Car Jacques a quatre filles, nées de quatre mères différentes, qu'il a baptisées des noms des quatre saisons: Printemps (Irène Jacob), Eté (Pauline Lefebvre), Automne (Sarah Kazemy), Hiver (Jenna Thiam).
Son grand regret, c'est de ne pas s'être suffisamment occupé d'elles tout au long de sa vie. Ce photographe de guerre était plus à l'aise en Afghanistan ou en Yougoslavie que lorsqu'il les accompagnait (rarement) à l'école.
Alors, quand elles débarquent toutes les quatre à quelques heures d'intervalle pour cette réunion de famille improvisée dans ce beau chalet en plein été, Jacques est le plus heureux des hommes. Oui, mais...
Familles recomposées, je vous aime: cela pourrait être le titre de ce 44e film de Claude Lelouch, père de sept enfants nés de cinq mères différentes. Et pas besoin d'être très observateur pour constater que Jacques Kaminsky, ancien photographe de presse, 72 ans dans le film, a des airs de ressemblance avec Claude Lelouch, ancien caméraman de presse, 76 ans.
''C'est l'histoire d'un homme qui a le sentiment d'être arrivé à un moment de sa vie où il fait les choses pour la dernière fois. Et quand on fait les choses pour la première ou la dernière fois, c'est fou ce qu'on les déguste, c'est fou ce qu'on les apprécie'', dit Lelouch.
Salaud, on t'aime, ce sont aussi des histoires d'amour, d'amitié, de famille, dans des paysages magnifiques, avec un chat, un aigle et un renard qui font du Lelouch, avec des rebondissements dans un scénario que, pour une fois, le réalisateur avoue avoir écrit avec minutie pendant deux ans.
Cela n'empêche pas la spontanéité et parfois l'improvisation dans les dialogues, marque de fabrique de Lelouch et des acteurs qui se battent pour tourner avec lui.
Sandrine Bonnaire est resplendissante de sérénité, les quatre filles de Johnny rivalisent de charme à des âges différents, et le duo Johnny-Eddy est un délice –grand moment quand ils fredonnent tous les deux, devant la télé, la chanson de RIO BRAVO, façon Dernière séance...
Il y a aussi un hommage à Georges Moustaki, à travers la chanson Les eaux de Mars qui rythme le film, quelques longueurs (le film dure plus de deux heures), à boire et à manger comme dans ses 43 films précédents (on n'est jamais mort de faim pendant la projection d'un Lelouch).
Et, comme d'habitude, les mots d'auteur parfois subtils, parfois postiches qu'il affectionne. Petit florilège: ''On est fidèle tant qu'on n'a pas trouvé mieux''; ''Rentrer dans une nouvelle maison c'est comme rentrer dans le lit d'une femme, ça fait toujours un peu peur''; ''Toutes les femmes sont photogéniques quand elles sourient''; ''Quand une femme fait le premier pas, c'est qu'elle veut avoir le dernier mot''; ''Un ami, c'est quelqu'un qui te connaît très bien et qui t'aime quand même''; etc.
Le film, apaisant, serein, plein de lumière et de joie de vivre, sorte d'autoportrait à la Woody Allen made in France, a aussi ses petits moments de suspense, un semblant d'énigme policière.
D'ailleurs le faux épilogue, en fin de film, va en surprendre plus d'un parmi les fans de Lelouch: quoi, lui, nous faire ça, terminer cette histoire ainsi? Non, ce n'est pas possible...
Avant que Claude Lelouch ne retombe sur ses pattes, comme le chat malin qu'il sait être. Histoire –c'est sûr, c'est voulu– qu'on lui redise aussi ce que beaucoup de gens lui ont susurré maintes fois en un demi-siècle de carrière: salaud, on t'aime.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Le mariage, c'est le meurtre parfait de l'amour'' (Antoine Duléry, second rôle surprise en fin de film).

SALAUD, ON T'AIME
(France, 2h04)
Réalisation: Claude Lelouch
Avec Johnny Hallyday, Sandrine Bonnaire, Eddy Mitchell
(Sortie le 2 avril 2014)