Le vibrant biopic d'une femme hors du commun
Ce fut une femme politique comme on en voit peu, respectée par la quasi-totalité de la classe politique, et qui méritait bien un biopic. SIMONE – LE VOYAGE DU SIÈCLE, qui sort sur les écrans ce mercredi 12 octobre, rend un hommage vibrant et émouvant à Simone Veil, cinq ans après sa mort en 2017 à l'âge de 89 ans.
Le réalisateur en est Olivier Dahan, auteur de deux autres portraits de femmes célèbres: LA MÔME (2007), qui a valu l'Oscar de la meilleure actrice à Marion Cotillard dans le rôle d'Edith Piaf, et GRACE DE MONACO (2014) avec Nicole Kidman.
Une vie riche
SIMONE – LE VOYAGE DU SIÈCLE dure 2h20 mais c'est une gageure d'avoir pu condenser en un film une vie aussi riche que celle de la première présidente du Parlement européen en 1979. Utilisant les retours en arrière et la voix off pour construire cette mosaïque, le réalisateur raconte comment la fille du couple Jacob, depuis son enfance heureuse à Nice aux côtés de ses deux grandes sœurs et de son grand frère, a marqué son époque (revoir ici sa biographie diffusée sur TV5 Monde après sa mort).
Ses études pour devenir magistrate, sa rencontre et son mariage avec Antoine Veil futur attaché parlementaire, la naissance de ses enfants, sa carrière politique, ses combats pour la santé des détenus et la prise en charge des toxicomanes malades du sida, ses différents postes ministériels et surtout la loi de 1975 légalisant l'avortement en France: tout cela est raconté avec force.
Camps de la mort
Mais ce sont bien sûr les deux années de déportation dans les camps de la mort pendant la guerre qui donnent lieu aux scènes les plus poignantes. En 1944 Simone Jacob, parce qu'elle faisait partie d'une famille juive, fut déportée avec une de ses sœurs et sa mère vers Auschwitz-Birkenau, puis Bobrek, puis Dora, puis Bergen-Belsen où sa mère mourra du typhus en mars 1945. Elle et sa sœur en réchappèrent mais son père et son frère, de leur côté, mourront en déportation en Lituanie.
"Simone – Le Voyage du SiÈcle est avant tout un film sur la transmission. Les 15 dernières minutes du film sont la somme de ce que je voulais dire avec ce film et la vraie raison pour laquelle j’ai essayé de le faire", explique le réalisateur, dont c'est le 9e film depuis 1998.
Devoir de mémoire
Il parle essentiellement du devoir de mémoire et de la manière dont Simone Veil combattit l'extrême-droite et continuerait de le faire aujourd'hui si elle était encore vivante. "Vous ne me faites pas peur, pas peur du tout. J'ai survécu à pire que vous", hurle-t-elle à des militants du Front national venus perturber un de ses meetings pendant la campagne des élections européennes de 1979.
Comme toujours quand ils font un biopic, les réalisateurs ne veulent pas entendre parler de "biopic". C'est le cas d'Olivier Dahan: "Faire le portrait cinématographique d’une personne est une façon d’aborder l’Histoire du pays, ou d’une époque, de développer des thématiques sociales et psychologiques, de réécrire une histoire avec un angle de vue spécifique et personnel. C’est en fait l’inverse d’un biopic. Les producteurs du film l’ont compris et m’ont fait confiance dans ce processus particulier".
Deux actrices
Dans le film, Simone Veil est interprétée par deux actrices: la jeune Rebecca Marder pour les premières années de sa vie d'adulte, et Elsa Zylberstein pour la seconde partie de son existence, à grands renfort de maquillage, perruques et autres postiches, en essayant d'imiter son débit de parole et sa démarche. Mais le plus méconnaissable est Olivier Gourmet dans le rôle du mari Antoine.
Le film bénéficie d'une belle distribution: Élodie Bouchez (qui interprète la mère, Yvonne), Judith Chemla (la sœur, Milou), Sylvie Testut, Philippe Torreton, Phillipe Lellouche, François Rollin. Tous contribuent à rendre accessible au grand public ce film sans grande audace cinématographique –mais ce n'était pas le but– qui alterne quelques lourdeurs avec de grands moments d'émotion et de ferveur, habités par le souffle de l'Histoire et la grandeur d'une femme hors du commun.
Elsa Zylberstein à l'origine du projet
C'est Elsa Zylberstein –déjà superbe interprète en 2020, dans le film de Laurent Heynemann Je ne rÊve que de vous, de la maîtresse de Léon Blum, Jeanne Reichenbach, qui le suivit jusqu'au camp de concentration de Buchenwald– qui est à l'origine de ce film sur Simone Veil.
"Cela fait dix ans que je pensais à un film sur Simone Veil et cela a été un long chemin...", raconte-t-elle. "Jusqu’au jour où j’ai rencontré (les producteurs) Romain Le Grand et Vivien Aslanian qui m’ont demandé ce que j’avais envie de faire. Je leur ai dit que je voulais faire un grand film sur elle et que j’avais eu la chance de la rencontrer plusieurs fois. Très rapidement, ils m’ont dit qu’ils étaient partants et m’ont demandé si je pensais à un réalisateur. J’avais Olivier Dahan en tête. Je l’ai appelé, vu le lendemain et, trois heures après, il me disait oui! (….). Je suis fière car je me suis battue pour que ce film se fasse, j’y ai mis beaucoup d’énergie et Olivier a réalisé un film magnifique".
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Le fait d'avoir fait l'Europe m'a réconciliée avec le XXe siècle" (Simone Veil, lors d'une interview dans les années 2000).
(France, 2h20)
Réalisation: Olivier Dahan
Avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Élodie Bouchez
(Sortie le 12 octobre 2022)
Retrouvez cet article, ainsi que l'ensemble de l'actualité culturelle (musique, théâtre, festivals, littérature, évasion)
sur le site