Very bad girls
Comme l'affiche, les premières images annoncent la couleur: garçons et surtout filles en bikini ou topless sur la plage, qui dansent, boivent de la bière et sucent des bâtonnets glacés façon fellation. C'est le spring break, les deux semaines de vacances de printemps pendant lesquelles les étudiants américains se réunissent en masse dans des stations balnéaires du sud des Etats-Unis ou du Mexique, pour faire la fête non-stop (et plus, si affinités).
Quatre copines, qui se connaissent depuis la maternelle, décident d'aller passer ces deux semaines en Floride et, pour financer le voyage et le séjour, braquent un fast-food: une ligne de coke avant, un marteau, un pistolet à eau, une voiture volée, et hop!, c'est fait. Aussi facile que dans un jeu vidéo, dit l'une d'elle.
Quelques jours plus tard, les voici donc à leur spring break. Bikini et shorts XXS, plage, piscine de l'hôtel, virées en scooter, soirées crack-whisky, tous les soirs c'est le grand défoulement. ''C'est tellement bon d'échapper à la réalité du moment'', à la fac, à la famille.
Mais, lors d'une fête dans une chambre de motel, la soirée dérape et la police débarque. Les quatre filles –toujours en bikini-- se retrouvent au poste. Fini le spring break? Non, car quelqu'un a payé leur caution, et le lendemain elles se retrouvent libres.
Le quelqu'un en question se fait appeler Alien (James Franco) et a fait, dit-il, ''tout ce qui est interdit par la loi''. Lunettes de soleil, dreadlocks, dents en acier, tatouages partout, queue de cheval tressée, collier en or avec une feuille de marijuana en pendentif, montre en or, baskets rouges, et le sigle $ sur les jantes de sa Chevrolet Camaro décapotable: ce gangster-rappeur au look d'enfer règne sur un gang qui impose sa loi dans la ville.
Dès lors, l'histoire passe des bikinis aux gangs de Blacks, du spring break à la délinquance organisée, des orgies étudiantes aux bas-fonds nocturnes. Les quatre filles ne savent plus si elles doivent remercier celui qui les a fait sortir de prison ou le fuir...
Harmony Korine s'était fait connaître comme co-scénariste de KIDS, de Larry Clark, en 1995, qui abordait la question de la jeunesse, du sexe et de la drogue de manière différente d'Hollywood. Dans SPRING BREAKERS, il creuse le même sillon, en décrivant cette belle jeunesse de façon très réaliste, presque comme un documentaire.
Mais la complaisance n'est pas loin. A la 18e séquence d'orgie et de consommation de drogue de ces jeunes ados en vacances, au 33e plan de binge drinking d'étudiants, au 87e zoom sur une paire de seins topless, on pense qu'on a compris le propos du réalisateur: la jeunesse américaine n'est pas celle décrite par Hollywood, le rêve américain a son revers qu'on n'ose pas décrire, la drogue et le sexe sont monnaie courante, les gangs qui sèment la violence agissent sans impunité, etc.
Pour raconter tout cela, Harmony Korine n'a pas pris des comédiens amateurs, comme il le fait habituellement, mais quatre actrices à l'image sage qui ont pris un malin plaisir à s'encanailler: Vanessa Hudgens et Selena Gomez, jusqu'alors vedettes des productions Disney et stars des ados boutonneux, Ashley Benson, elle aussi habituée aux séries télé sages, et Rachel Korine, la femme du réalisateur, du même âge que ses copines.
Tout cela sent le je-fais-un-film-trash-pour-briser-mon-image-trop-lisse, et Harmony Korine reconnaît lui-même s'être bien amusé avec les quatre starlettes sexy: ''Je trouve ça très excitant! Tout le monde les connaît sous un certain angle, elles ont un peu cette image Disney, et je trouve très amusant de les pousser vers une autre réalité, vers quelque chose de plus sinistre, de plus fou. J'aime les voir déployer leurs ailes!''.
Reste que le film est bancal, oscillant entre le docu-fiction sur le spring break et l'histoire à suspense sur le gang des malfrats en fin de film –avec un épilogue que gâche l'invraisemblance du scénario. Entre gros lolos et petits voyous, entre complaisance faussement érotique (seuls deux scènes de sexe un peu hot viennent tenir ce que l'affiche-bikini promet) et pseudo-thriller final, on se dit que tout cela ressemble à de la poudre aux yeux. Une occasion de faire de la provocation à bon compte, sans aller bien loin, avec des filles en maillot de bain et des Blacks qui vendent de la drogue, mais sans secouer davantage le spectateur. Pas de quoi perturber Justin Bieber...
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Tu sais ce qui serait cool? De mettre la vie sur Pause''. (Selena Gomez à ses trois copines, dans la piscine, en pleine nuit, nageant en plein bonheur).
(États-Unis, 1h32)
Réalisation: Harmony Korine
Avec James Franco, Vanessa Hudgens, Selena Gomez
(Sortie 6 mars 2013)