Margot Robbie, very bad girl
Dans le petit monde du cinéma, un des faits marquants de 2016 aura été l'ascension de Margot Robbie au premier rang des affiches hollywoodiennes. Après des petits rôles et une apparition remarquée comme femme sexy de Leonardo DiCaprio dans LE LOUP DE WALL STREET en 2013, l'actrice australienne vient d'aligner coup sur coup deux grands rôles: récemment la femme du roi de la jungle dans TARZAN, et à présent la fiancée du Joker dans SUICIDE SQUAD, le très attendu film de super-anti-héros.
Avec son personnage de foldingue peu fréquentable, elle vole la vedette à une demi-douzaine de super-méchants réunis dans ce film, notamment grâce à l'humour de ses répliques et à son jeu complètement déjanté. Et pourtant la concurrence est rude, avec dans la distribution notamment Will Smith (en tueur à gages), Jared Leto (en méchant et inquiétant Joker) et Cara Delevingne (en sorcière maléfique).
Dans sa première apparition dans le film, on la voit suspendue au plafond de sa cellule, avant qu'elle en descende pour lécher un des barreaux. Arrêtée par Batman lui-même dans le passé, Harley Quinn purge une longue peine pour avoir été la fiancée du redoutable Joker, qui a mis la ville à feu et à sang. Mais avant de former ce couple infernal, elle était psychiatre de la prison dans lequel il se trouvait, et tous deux sont tombés amoureux l'un de l'autre.
Avec plusieurs autres "pires criminels de leur espèce" emprisonnés, elle est choisie par Amanda Waller (Viola Davis), une des chefs des services secrets, manipulatrice sans état d'âme, pour une mission spéciale. La ville a en effet été attaquée par une entité surnaturelle, qui menace de tout détruire. La bande de super-méchants reconvertis en super-héros, aux dons et capacités divers, naturels ou surnaturels, se met en marche pour faire le bien, moyennant des remises de peine et sous la direction d'un colonel des forces spéciales -qui a son petit point faible…
Sexy, à l'époque où elle soignait le Joker, avec sa blouse blanche et ses lunettes, Harley Quinn l'est restée, mais dans un autre genre, plus punk et destroy: un cœur et le mot "Rotten" (pourri) tatoués sur la joue droite, un T-shirt avec la phrase "Daddy's Lil Monster" (le p'tit monstre à son papa), deux couettes blondes, des lèvres rouge vif, un collant résille et un bikini à paillettes, une demi-douzaine d'épingles à nourrice sur l'oreille droite, un collier avec les lettres dorées "Puddin" (poussin, le surnom qu'elle donne à son amoureux Joker), des bottines à talons aiguilles, un gros pistolet et une batte de baseball, elle prend toute sa place dans la Suicide Squad chargée de sauver le monde…
Ces super-méchants devenus super-héros sont des personnages tirés des bandes dessinées DC Comics des années 30, devenues filiale de Warner Bros pour leur adaptation au cinéma: Batman, Superman, Wonder Woman, Green Lantern, Green Arrow, The Flash.
DC Comics est le grand rival des bandes dessinées Marvel, créées à la même époque, et désormais membres du groupe Walt Disney qui a popularisé ses héros sur grand écran: Captain America, Daredevil, Hulk, Thor, Iron Man, les Quatre Fantastiques, Spider-Man, Wolverine, les Avengers, les Gardiens de la galaxie.
Entre les deux figurent les X-Men, également apparus dans les BD Marvel dans les années 60, mais dont les adaptations cinématographiques ont été produites par la 20th Century Fox.
Ce SUICIDE SQUAD est donc la réponse de DC Comics aux AVENGERS, la réunion en un seul film des super-héros de Marvel. Une rivalité qui existe depuis longtemps et que le réalisateur, David Ayer, a maladroitement relancée lundi lors de l'avant-première du film à New York, en s'exclamant "Fuck Marvel!" -avant de s'excuser sur les réseaux sociaux.
Sans gros succès jusqu'à présent (son film le plus connu, FURY, en 2014 avec Brad Pitt, n'est pas passé à la postérité), il dit avoir été séduit par cette idée de réunir en bande cette série de personnages caractérisés par leur individualisme et par leur côté "méchant". "Car qui peut-on rêver de mieux pour vaincre un super-méchant qu'un autre super-méchant ou, dans le cas du film, tout un gang de super-méchants? C'était très exaltant pour moi d'explorer une tout autre facette du film de super-héros puisque ces personnages incarnent l'exact contraire d'un héros au sens classique du terme".
Si les scènes d'action et de combats, les effets spéciaux et le scénario ne sortent pas du lot habituel des films du genre, le film vaut surtout par son humour -la plus grande partie en revenant à Margot Robbie, mais Will Smith apporte sa pierre à l'édifice.
Parmi les personnages, l'un des plus intéressants est peut-être celui d'Amanda Waller, à classer au rang des plus redoutables et cyniques dans ce flot de gentils méchants, méchants gentils et méchants méchants. Et Cara Delevingne, aussi sculpturale qu'inquiétante dans un personnage à double facette, a fait de gros progrès d'actrice depuis LA FACE CACHÉE DE MARGO l'an dernier -et en attendant le VALERIAN de Luc Besson l'an prochain.
Déception en revanche, dans ce SUICIDE SQUAD dont il passait pour une tête d'affiche, pour le personnage du Joker, vu dans plusieurs BATMAN précédents. Il est ici réduit à un rôle épisodique et pas très clair, comme un élément de décor revenant à courts intervalles réguliers pour faire contrepoids à la passion amoureuse de sa fiancée, et avec un Jared Leto qui en fait des tonnes dans l'inexpression volontaire.
Dernier petit conseil pour le spectateur: attendre quelques minutes avant de quitter la salle. Comme souvent dans ce genre de blockbusters américains, une courte scène au milieu du générique de fin réserve une surprise…
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je veux constituer une équipe de choc composée des brutes les plus redoutables du monde –les pires de leur espèce– qui pourraient nous être utiles" (Amanda Waller, au début du film).
(États-Unis, 2h10)
Réalisation: David Ayer
Avec Margot Robbie, Will Smith, Jared Leto
(Sortie le 3 août 2016)