Depardieu et Poelvoorde, tel père, tel fils
C'est un film qui sort en plein Salon de l'agriculture, et ce n'est pas un hasard. Le début de SAINT AMOUR, réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern, a été tourné l'an dernier dans les allées de "la plus grande ferme de France", avec Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde.
Le premier y interprète un agriculteur venu présenter son taureau champion, le second joue son fils, qui doit lui succéder à la ferme. Mais ce dernier est un garçon un peu perturbé, malheureux, qui a des problèmes avec l'alcool et les femmes. Alors son père, qui l'aime et veut l'aider, décide sur un coup de tête de quitter le Salon et de partir avec lui faire la route des vins.
Ils louent un taxi (conduit par Vincent Lacoste) et, tout au long de cette tournée des vignobles, le fils va réapprendre le goût de vivre, sous l'œil bienveillant de son père. Et pas seulement en picolant: entre deux dégustations de belles cuvées, tous deux vont faire des rencontres inattendues, et notamment de femmes (Izïa Higelin, Andréa Ferréol, Chiara Mastroianni, Ana Girardot) dont la dernière, une belle rousse en mal de maternité (Céline Sallette), sera la plus surprenante et la plus émouvante…
C'est le septième film que tournent en commun Benoît Delépine et Gustave Kervern, les auteurs et acteurs qui ont lancé GROLAND sur Canal+ il y a une vingtaine d'années. Ils retrouvent Gérard Depardieu, qu'ils avaient dirigé en 2010 dans MAMMUTH.
"Il y a quatre ou cinq ans, on avait eu l’envie de faire un film un peu comme un tour de force, entièrement situé au Salon de l’agriculture, qu’on aurait tourné en quelques jours", explique Benoît Delépine. "La route des vins, on la faisait à l’intérieur du Salon… L’histoire était déjà structurée par une relation père-fils (…). Mais c’était un film plus social et plus dramatique, qui se terminait par un suicide. Bizarrement, le Salon de l’agriculture a refusé (rires)… Après notre sixième film (NEAR DEATH EXPERIENCE), on avait cette fois envie de retravailler avec Gérard Depardieu, et on a repris une partie de ce projet, en réécrivant totalement l’histoire".
Le film, qui commence d'une manière tristounette, filmé caméra sur l'épaule dans les allées du Salon de l'Agriculture, se libère un peu de la morosité quand le duo quitte le Salon et part en taxi sur les routes de France. Les dialogues et l'humour sont parfois décalés, ça part dans tous les sens, Michel Houellebecq fait une apparition rigolote.
Mais le ton du film est moins désespéré et plus optimiste que les précédents, et les deux coréalisateurs le reconnaissent: "On nous dit: +Votre film est moins radical que les précédents+", explique Benoît Delépine. "En même temps, on n’est pas là pour se répéter. On a été saisi par cet amour, filial ou sentimental, sujet qu’on n’avait jamais abordé".
Et Gustave Kervern confirme: "Le trash, on le fait déjà dans GROLAND. Au cinéma, on se laisse guider par des émotions qui nous ressemblent finalement davantage", concédant que le titre SAINT AMOUR ne fait pas seulement référence au célèbre domaine viticole mais est à double sens, comme le montre la fin du film.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je suis comme un aspirateur qui aurait envie de vider son sac" (Gérard Depardieu, après un moment de bonheur).
(France, 1h41)
Réalisation: Benoît Delépine et Gustave Kervern
Avec Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste
(Sortie le 2 mars 2016)