La crise des subprimes pour les nuls
Faire de la crise des subprimes qui secoua la bourse américaine et l'économie mondiale en 2008 une comédie à suspense compréhensible par tous: c'est le défi que s'est lancé le réalisateur américain Adam McKay avec THE BIG SHORT: LE CASSE DU SIÈCLE.
Le film, qui vient de recevoir quatre nominations aux Golden Globes -en attendant celles des Oscars-, affiche une distribution prestigieuse: Brad Pitt, Ryan Gosling, Christian Bale, Steve Carell. Il est tiré du livre de Michael Lewis, paru en 2010 (Ed. Sonatine), qui raconte l'histoire vraie de petits génies de la finance qui, ayant anticipé la crise avant tout le monde, en ont profité et s'en sont mis plein les poches.
Tout commence en 2005 quand Michael Burry (Christian Bale), un ancien neurologiste de San José devenu gestionnaire de fonds, personnage excentrique, fan d'heavy metal, avec un oeil de verre et une tendance à marcher pieds nus au bureau, fait une découverte stupéfiante en étudiant des prêts immobiliers regroupés en obligation hypothécaires à forts taux: les montages financiers sont délictueux, et les millions de particuliers ayant contracté ces prêts seront bientôt dans l’impossibilité de les rembourser.
Tandis que les banquiers de Wall Street et les agences de régulation semblent vouloir ignorer la crise qui s'annonce, Burry invente un instrument financier appelé "couvertures de défaillance", afin de parier contre l’accumulation des crédits et rafler la mise au moment où la bulle immobilière éclatera.
Un jeune loup de Wall Street sans scrupules, Jared Venett (Ryan Gosling), négociateur pour la Deutsche Bank, entend parler de la stratégie de Burry et parvient à convaincre Mark Baum (Steve Carell), un financier idéaliste sur les bords, gestionnaire d'un fonds filiale de Morgan Stanley, de rejoindre lui aussi le fructueux business des couvertures de défaillance. D’abord sceptique, Baum et son équipe de jeunes cracks de la finance font leur propre enquête en Floride et découvrent les mêmes failles du système mis au jour par Burry. Ils décident eux aussi de se lancer dans des placements à contre-courant.
Pendant ce temps, deux geeks arrivistes du Colorado d'une vingtaine d'années, gestionnaires de fonds modestes, ont découvert eux aussi les indices de l'éclatement de la bulle immobilière. Ils obtiennent l'aide de Ben Rickert (Brad Pitt), un ex-banquier devenu maniaque de l’environnement, qui utilise ses connections pour les aider à placer leur propre pari contre Wall Street.
Quand l’économie mondiale finit par boire la tasse en 2008, ces investisseurs à
contre-courant vont enregistrer des milliards de bénéfices: le casse du siècle!...
"Ce film explore la manière dont toute une culture se retrouve dépendante de la folie d’un système corrompu. Dans mon petit monde fantasmé, j’espère que les gens sortiront furieux et indignés de la salle et demanderont à leur député de se positionner sur le problème de la réforme des banques", explique le réalisateur, Adam McKay. "Ça, c’est mon rêve. Que chacun dise à ses élus: +Si vous n’avez pas l’intention de casser le système bancaire, peu importe que vous soyez de droite ou de gauche, vous n’aurez pas mon vote+".
Réalisateur jusqu'alors de comédies avec son acteur fétiche Will Ferrell (PRÉSENTATEUR VEDETTE: LA LÉGENDE DE RON BURGUNDY, FRANGINS MALGRÉ EUX, LÉGENDES VIVANTES, VERY BAD COPS), Adam McKay joue donc les chevaliers blancs dénonçant l'immoralité du système financier international ...en donnant la vedette à quelques financiers et geeks qui ne furent pas responsables de la crise mais en profitèrent largement -ce qui n'est guère plus moral.
Sur le ton de la comédie, en essayant de vulgariser des mécanismes financiers complexes -avec l'aide notamment d'apparitions rigolotes et décalées, façon La crise des subprimes pour les nuls, de vedettes telles que l'actrice Margot Robbie, le chef/animateur télé Anthony Bourdain ou la chanteuse Selena Gomez-, il a réalisé un film plutôt plaisant, parfois brillant, souvent très drôle, et avec un certain suspense.
Mais à vrai dire c'est quand même un peu long, très verbeux, on ne comprend pas tout malgré les efforts de pédagogie et l'empathie qu'on essaye de provoquer envers les héros du film. Et tout cela n'a pas, dans le genre, le souffle débridé d'un LOUP DE WALL STREET de Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio (2013) ou l'intelligence magistrale d'un MARGIN CALL de J.C. Chanor avec Kevin Spacey (2012).
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Ce n’est pas ce que vous ne savez pas qui vous pose des problèmes, mais c’est ce que vous savez avec certitude et qui n’est pas vrai" (citation de Mark Twain, en exergue du film).
THE BIG SHORT: LE CASSE DU SIÈCLE
("The Big Short") (États-Unis, 2h10)
Réalisation: Adam McKay
Avec Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling
(Sortie le 23 décembre 2015)