La vie de Brian (au Kentucky)
Thomas Jenkoe et Diane Sara Bouzgarrou, couple de jeunes réalisateurs français installés à Lille, étaient dans le Kentucky, un État américain rural et pauvre entre le Midwest et les États du Sud, quand ils ont rencontré en 2013 Brian Ritchie, un fermier du coin. Celui-ci leur a proposé de leur montrer "le vrai Kentucky", celui de sa famille et de ses proches, et ils ont décidé de filmer sa vie au quotidien, dans le documentaire THE LAST HILLBILLY, qui sort sur les écrans ce 9 juin.
Le Kentucky, qui a connu le déclin économique après la fermeture des mines de charbon qui ont donné du travail à trois générations d'habitants, "est une zone rurale reculée, dont l’organisation sociale se tisse autour de clans familiaux", expliquent le coréalisateur et la coréalisatrice. "Elle a toujours entretenu un rapport très particulier vis-à-vis du reste des États-Unis, cultivant un esprit d’indépendance et une volonté d’autosuffisance forte, qui va de pair avec une défiance marquée envers l’extérieur. Ce que le reste des États-Unis leur rend bien, puisque les autres Américains appellent ceux qui y vivent «hillbillies». Un mot très péjoratif signifiant «ploucs» ou «bouseux», littéralement «péquenauds des collines»".
Voix off
Ils ont confié à Brian un enregistreur numérique avec lequel le fermier a confié ses réflexions pendant plusieurs années. Outre les images filmées directement, le documentaire est donc assorti de la voix off de Brian, parfois poétique et simple, parfois pompeuse et grandiloquente.
Face caméra, le fermier explique: "Tout le monde sait que nous sommes des ignorants, sans éducation, pauvres, violents, racistes, consanguins. Tout cela est vrai. Tous ces stéréotypes restés bloqués dans les années 30".
L'importance du clan familial
THE LAST HILLBILY est découpé en trois parties. La première, "Under the Family Tree", traite de l’importance du clan familial. Dans la ferme de Brian, on trouve enfants et animaux (chiens, chevaux, vaches, canards), on cultive tomates, concombres, petits pois et pastèques; dans le salon de la grande maison il y a des guitares, des canettes de bière de 33cl et, accrochés au mur, des fusils et des têtes empaillées de cerfs abattus ces dernières années.
C'est l'Amérique profonde et rurale mais toute la modernité est là: télé, jeux vidéo, Internet, téléphones portables, véhicules 4x4, tracteurs récents, motos tout-terrain. Les gens du coin ont leur propre cimetière dans lequel ils agitent le drapeau américain sur les tombes des anciens combattants, et ils apprennent à leurs adolescents à se servir de carabines.
Beaux paysages et vastes espaces
La deuxième partie, "The Wasteland", évoque ceux qui, comme Brian, ont fait le choix de rester dans cette région, qui endurent son âpreté, la voient décliner et continuent néanmoins à s’accrocher à leur mode de vie. Il y a de beaux paysages, de la tranquillité, de vastes espaces –mais on hésiterait à aller s'y confiner à la prochaine pandémie.
Pour conclure leur film, dans la troisième partie Land of Tomorrow, les réalisateurs s'intéressent aux enfants, qui jouent aux jeux vidéo, font du vélo ou conduisent un tracteur, se baignent dans la rivière, enterrent un poisson mort; et s'ennuient et rêvent de partir quand ils seront grands. Quatre d'entre eux, assis autour d'un feu de camp, écoutent un Brian agacé leur expliquer son c'était-mieux-avant: "J'ai eu une super enfance. Vous savez quoi? Je suis le dernier hillbilly. Vous savez quoi? J'ai été le dernier enfant libre en Amérique. Vous, vous êtes prisonniers de YouTube, de vos smartphones, de vos jeux, de vos vidéos coréennes".
Un formidable personnage de cinéma
Les réalisateurs ont réussi à entrer dans l'intimité de cette famille du Kentucky grâce à ce Brian qui, disent-ils, "s’est très vite imposé à nos yeux comme un formidable personnage de cinéma. D’abord grâce à sa densité psychologique, à la précision de sa pensée, à ce point de vue si unique sur l’univers qui l’entoure. Et puis il a cette voix, cette inventivité verbale, ce tempo, qui nous ont beaucoup inspirés".
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"La seule chose à faire ici, c'est dormir et marcher" (une fillette de 12 ans, qui s'ennuie).
(France/États-Unis, 1h20)
Réalisation: Thomas Jenkoe et Diane Sara Bouzgarrou
(Documentaire)
(Sortie le 9 juin 2021)