Jusqu'où peut-on aller pour obtenir ce que l'on désire?
Jusqu'où peut-on aller pour obtenir ce que l'on désire? C'est la question que pose le film italien THE PLACE, sorte de conte contemporain original, angoissant et amoral.
Un homme mystérieux, élégant, chemise blanche et costume, calme, ferme et sûr de lui mais apparemment ouvert aux autres, est assis à la même table d’un café. Il reçoit la visite de 10 hommes et femmes, qui entrent et sortent à toute heure de la journée pour le rencontrer et se confier. La serveuse le prend pour un psychologue.
Il note les doléances de ses visiteurs dans un gros carnet. Il a la réputation d’exaucer le voeu le plus cher de chacun, en échange d’un défi maléfique à relever.
Ainsi une vieille dame demande la guérison de son mari atteint de la maladie d'Alzheimer: il lui dit qu'il faudra qu'elle pose une bombe dans un restaurant bondé. Une religieuse veut retrouver la foi: il faudra qu'elle tombe enceinte. Un aveugle veut retrouver la vue: il faudra qu'il viole une femme. Un flic quadragénaire veut retrouver l'argent d'un hold-up: il faudra qu'il tabasse un homme. Et ainsi de suite…
"On est capable de faire plus que ce que l'on croit", dit le mystérieux homme à ses interlocuteurs qui lui demandent pourquoi il impose de tels défis. Tous croient dur comme fer que leur vœu se réalisera s'ils font ce qu'on leur demande. Mais jusqu'où chacun de ces 10 hommes et femmes est-il capable d'aller pour obtenir satisfaction?...
Adapté d'une série télé faite d'épisodes courts, ce film au scénario bizarre est le 10e long métrage du réalisateur italien Paolo Genovese, 52 ans. "C’est un thème qui m’est très cher et qui me paraît très important en ce moment précis: que sommes-nous disposés à faire pour obtenir ce que nous désirons?", dit-il ."Selon moi, c’est une thématique qui nécessite une profonde réflexion. Elle part d’une autocritique sur notre sens moral. Comment notre morale change en fonction des situations devant lesquelles nous nous trouvons? Ce film nous incite à nous juger nous-mêmes".
On n'en sait pas trop sur cet homme mystérieux (interprété par Valerio Mastrandrea), s'il est un représentant du Diable sur Terre ou si c'est un charlatan, si ses pouvoirs sont réels ou s'ils résident dans la tête des autres. "Ça ne dépend pas de moi", dit-il souvent à ses interlocuteurs.
Dans ce huis-clos oppressant fait uniquement de dialogues, les destins de certains des 10 personnages vont se croiser, rendant encore plus singulier un scénario où le suspense le dispute à la réflexion existentielle, voire philosophique. C'est un conte moderne et urbain, car tout cela est invraisemblable. Mais les situations de chacun sont tellement réalistes que le spectateur en arrive à se poser des questions sur l'importance, dans l'existence, de faire des choix dramatiques, de distinguer le bien du mal, de juger ce qui est moral et ce qui ne l'est pas, de s'interroger sur son égoïsme. Et, si l'on rentre dans cette histoire, tout cela est assez fascinant.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"On est capable de faire plus que ce que l'on croit" (l'homme mystérieux).
(Italie, 1h45)
Réalisation: Paolo Genovese
Avec Valerio Mastandrea, Marco Giallini, Alba Rohrwacher
(Sortie le 30 janvier 2019)