Le suspense islandais, c'est chaud !
Un policier islandais veuf découvre que sa femme avait un amant et veut en savoir plus: il y a du suspense, mais pas seulement, dans le film UN JOUR SI BLANC.
On est loin de Reykjavik, dans une petite ville perdue de la campagne islandaise. Dans le brouillard à couper au couteau, au milieu de nulle part, une voiture sort de la route et tombe dans le ravin. On apprendra plus tard que dans cet accident est morte la femme du commissaire de police local, Ingimundur.
Celui-ci, entouré de sa famille, a du mal à faire son deuil. Il suit régulièrement des séances avec un psy, s'est mis en congé mais revoit régulièrement ses deux collègues policiers, est occupé à construire une maison pour sa fille mariée et mère de deux enfants. Sa petite-fille Salka, 8 ans, intelligente et drôle, est la prunelle de ses yeux et elle adore son grand-mère.
Mais un jour, dans le carton des affaires de sa femme décédée, Ingimundur découvre, grâce à une photo et une vidéo dans le caméscope, qu'elle le trompait. Il va vouloir en savoir plus et sa recherche de la vérité sur cette épouse adorée va tourner à l'obsession, puis le mettre en danger, lui et ses proches…
Deuxième film du réalisateur islandais Hlynur Pálmason, cette histoire de deuil, de vengeance et d’amour inconditionnel installe un beau suspense, qui monte peu à peu tout au long du film. Mais c'est aussi le portrait psychologique d'un homme au caractère fort, silencieux, qui, au lieu de chérir ses souvenirs pour pouvoir faire son deuil, va courir le risque de les saboter en cherchant une vérité dont il ne sait pas si elle va lui apporter la paix intérieure ou au contraire accentuer sa peine. "Les choses qui sont cachées sont pleines de possibilités et stimulent l’imagination", dit le réalisateur, qui pense que deux des principaux moteurs de l'existence sont "la passion et le désir d’explorer l’inconnu".
Une grande partie du film est occupée par les relations très fortes entre le veuf et sa petite-fille adorée –avant, pendant et après les scènes à suspense. "Pour moi Un jour si blanc est un film sur deux types d’amour", explique le réalisateur. "L’amour que vous éprouvez pour vos enfants ou vos petits-enfants, qui est simple, pur et inconditionnel, et puis un autre type d’amour –celui que vous éprouvez pour votre conjoint, votre amoureux, votre femme… C’est un sentiment complètement différent, plus complexe, intime, animal et relativement unique, que vous n’éprouvez pour personne d’autre".
Le film, porté par son acteur principal formidable (Ingvar Sigurdsson), sort de l'ordinaire par certains aspects de sa réalisation, peu conventionnels. Ainsi, au début, une cinquantaine de plans fixes, d'une ou deux secondes, de la même maison à différentes périodes de la journée et des saisons évoquent le temps qui passe: le policier veuf reste occupé et essaye de penser à autre chose que la mort de sa femme en construisant cette maison pour sa fille et son gendre.
De même, quelques séquences étranges ponctuent l'histoire, comme cette longue émission pour enfants à la télévision, qui paraît surréaliste mais est bien ancrée dans la réalité quotidienne.
Et le réalisateur a refusé le principe du flashback pour évoquer cette femme décédée, qu'on ne voit pratiquement pas sur la photo et la vidéo et dont on ne sait rien, sinon que son mari l'adorait. "Je voulais qu’elle soit présente dans le film, mais pas à travers des flashbacks ou quoi que ce soit de trop sentimental", explique-t-il. "Je voulais qu’elle soit évoquée et présente à travers des objets, des images et la cassette vidéo. De cette manière, j’ai l’impression que je laisse plus de place à l’imagination, qu’on peut projeter nos propres images et sentiments sur elle, et qu’elle reste mystérieuse". Jusqu'à la dernière séquence, superbe.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Quand tout est si blanc qu’on ne peut plus faire la différence entre la terre et le ciel, les morts peuvent nous parler, à nous qui sommes vivants" (proverbe islandais, en exergue au générique du début).
("Hvítur, Hvítur Dagur") (Islande, 1h49)
Réalisation: Hlynur Pálmason
Avec Ingvar Eggert Sigurdsson, Ída Mekkín Hlynsdóttir, Hilmir Snær Gudnason
(Sortie le 29 janvier 2020)