Mafieux russes, espions britanniques, argent sale et coups fourrés
Une dizaine de ses livres ont été adaptés au cinéma: L'ESPION QUI VENAIT DU FROID, LA MAISON RUSSIE, THE CONSTANT GARDENER, LA TAUPE, UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ… A 84 ans, John Le Carré, le maître britannique du roman d'espionnage, inspire encore les cinéastes, comme le prouve le film UN TRAÎTRE IDÉAL.
Réalisé par la Britannique Susanna White, le film est tiré de l'avant-dernier livre de Le Carré, paru en 2011: Un traître à notre goût (Ed. du Seuil). Pourquoi les distributeurs français du film ont changé le titre est un mystère presque aussi épais qu'une énigme de roman d'espionnage…
En vacances à Marrakech, un couple de touristes anglais, Perry et Gail, se lie d’amitié avec un millionnaire russe nommé Dima. Celui-ci leur remet une clé USB à transmettre aux services secrets britanniques. Ils ignorent que cet homme charismatique et extravagant blanchit l’argent de la mafia russe et veut asile politique et protection de sa famille en échange des renseignements contenus dans la clé.
Contre toute vraisemblance, Perry et Gail acceptent de lui rendre ce service à leur retour à Londres. Mais bien sûr tout n'est pas si simple, car Dima est traqué par ceux qu'il trahit, et la clé USB ne met pas en cause uniquement la mafia russe mais aussi les milieux financiers et politiques britanniques…
"Ce qui m’a particulièrement plu, c’est la modernité de l’histoire", explique la réalisatrice Susanna White, dont c'est le deuxième long métrage après NANNY MCPHEE ET LE BIG BANG en 2010. "J’ai grandi en lisant John le Carré, et la plupart de ses précédents romans étaient tournés vers le passé et se déroulaient dans des univers clos et sombres. À l’inverse, UN TRAÎTRE IDÉAL est un road movie qui nous fait traverser plusieurs pays: on se retrouve à Londres, Marrakech, Paris, Berne et dans les Alpes françaises…"
Hossein Amini, qui a signé le scénario du film avec la collaboration de John Le Carré lui-même, explique que "le roman raconte l’histoire d’un couple innocent que de multiples dangers menacent à chaque pas. Mais dans le même temps, Le Carré dresse un portrait très révélateur du monde après la crise économique internationale de 2008 et s’intéresse à l’influence de la Russie et de l’Europe sur la Grande-Bretagne, le tout en ramenant l’histoire sur un plan personnel à travers les différents personnages que l’on rencontre".
Même si certaines invraisemblances sautent davantage aux yeux dans un film que dans un roman, l'histoire est suffisamment bien ficelée pour que le spectateur se laisse prendre à un suspense qui ne se relâche pas une seconde. On a du mal à se prendre de sympathie pour ce mafieux russe repenti, mais les enfants de malfaiteurs restent des enfants, et les menaces contre sa famille justifient donc que le couple d'Anglais essaye de l'aider, à leurs risques et périls, dans une traque à travers plusieurs pays d'Europe.
C'est le plus grand acteur suédois, Stellan Skarsgård, qui joue à la perfection le rôle du Russe, tandis qu'aux côtés d'un Ewan McGregor égal à lui-même, la femme du couple est incarnée par Naomie Harris, remarquée récemment dans le rôle de Moneypenny, la secrétaire de James Bond, dans les deux derniers films de la série, SKYFALL et SPECTRE.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Le mal est le mal. Il ne naît pas de circonstances sociales" (Damian Lewis, dans le rôle du chef du contre-espionnage britannique).
("Our Kind Of Traitor") (Grande-Bretagne, 1h48)
Réalisation: Susanna White
Avec Ewan McGregor, Stellan Skarsgård, Damian Lewis
(Sortie le 15 juin 2016)