UNDER THE SKIN

Dans la peau de Scarlett Johansson

Scarlett Johansson, extraterrestre qui séduit les hommes et les fait disparaître (©Diaphana Distribution)
Scarlett Johansson, extraterrestre qui séduit les hommes et les fait disparaître (©Diaphana Distribution)

Certes, on la voit nue à plusieurs reprises. Mais on se calme: dans UNDER THE SKIN, Scarlett Johansson est souvent sexy, jamais glamour.
Le film, intriguant, bizarre, intello, expérimental, est aux antipodes des blockbusters de science-fiction d'Hollywood. Son synopsis officiel est l'un des plus courts de l'histoire du cinéma: ''Une extraterrestre arrive sur Terre pour séduire des hommes avant de les faire disparaître''. Voilà.
Après un générique façon 2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE, on croit comprendre en effet qu'une créature extraterrestre débarque sur notre planète. Elle décide de prendre l'apparence physique de sa première victime, une femme. Elle a bon goût: la femme a le visage et le corps de Scarlett Johansson.
Les victimes suivantes seront des hommes, toujours seuls. En manteau de fourrure, la créature écume, au volant d'une camionnette, les rues de villes et de banlieues écossaises, tristes et grises.
Les images sont sombres, le rythme est lent, il n'y a pas vraiment d'histoire. On ne comprend pas tout, un peu hyptonisé comme le sont les humains que croise la créature. Elle demande son chemin, prend des autostoppeurs, se mêle aux danseurs d'une boîte de nuit, va faire un tour à la campagne.
Un étrange motard semble la suivre. Pour la traquer? Pour la protéger? Pour quelle mission? On ne sait pas.
Et les hommes que la créature rencontre, avec qui elle engage la conversation, qui montent dans sa camionnette –eux non plus ne savent pas. Ils ne savent pas ce qui les attend. Le sort que leur réserve la créature est intriguant, bizarre, intello, expérimental...
''Appréhender notre monde comme si on le découvrait pour la première fois'': c'était le but du réalisateur, Jonathan Glazer. ''L'histoire est racontée du point de vue de Scarlett: à l'écran, ce qui est étranger, extraterrestre, c'est notre monde!''.
C'est le troisième long-métrage de Jonathan Glazer en 14 ans, après SEXY BEAST (2000), un thriller avec Ben Kingsley sur des gangsters britanniques installés sur la Costa del Sol, et BIRTH (2004), un drame fantastique plus personnel où un enfant se présentait à Nicole Kidman comme la réincarnation de son défunt mari.
Le réalisateur britannique de 49 ans a surtout fait ses armes en tournant des clips musicaux et des spots de pub. Parmi ses clips les plus connus, il y a eu notamment VIRTUAL INSANITY (pour le groupe Jamiroquai), KARMACOMA (pour Massive Attack) ou encore KARMA POLICE (pour Radiohead).
Côté pub, il a réalisé des spots pour Kodak, Mazda, Le Club Med, Nike, Guinness, Barclays... Le plus célèbre est ODYSSEY, en 2002, pour la marque de jeans Levi's, dans lequel Nicolas Duvauchelle et une jeune comédienne traversent les murs d'un hôtel dans une course folle, sur fond de Sarabande de Haendel.
Avec UNDER THE SKIN, il a réalisé un film dont la forme semble aussi importante que le fond. L'histoire est pratiquement inexistante, mais l'atmosphère globale fait penser à une fable sur la solitude masculine et le pouvoir d'attraction sexuelle des femmes. Si l'étrange alien n'avait pas emprunté l'enveloppe charnelle de Scarlett Johansson, cela n'aurait pas été le même film.
Certaines scènes ont été tournées en caméra cachée dans des rues écossaises, Scarlett Johansson demandant son chemin ou trébuchant parmi les passants. On voit des gens de tous les jours marchant dans les rues, en train d'attendre le bus, de téléphoner, de fumer une cigarette.
Tout cela est peu spectaculaire, un peu ennuyeux, déprimant, on est plus proches des frères Dardenne ou de Ken Loach que de CAPTAIN AMERICA ou des AVENGERS. C'est de la science-fiction filmée comme du cinéma vérité, comble de la sophistication pour ce film déroutant, pas vraiment grand public.
Et c'est donc un rôle très singulier, très cinéma d'auteur, qu'a accepté Scarlett Johansson. Récemment, dans HER, elle prêtait uniquement sa voix à un programme d'ordinateur dont Joaquin Phoenix tombait amoureux.
Elle a été omniprésente sur la planète cinéma depuis deux ans puisque, outre CAPTAIN AMERICA et AVENGERS, on l'a vue également dans HITCHCOCK, dans DON JON, et sur la scène du théâtre du Châtelet fin février pour y recevoir un César d'honneur.
Et ce n'est pas fini. Elle est sur le tournage de la suite d'AVENGERS (qui sortira au printemps 2015). Et on la verra en août dans LUCY, le nouveau film à suspense de Luc Besson.
Là encore, comme si la simple Scarlett Johansson ne suffisait pas, elle est dotée de pouvoirs –intellectuels et physiques– surnaturels. Dans la bande-annonce, on la voit prononcer la phrase: ''Tout ce qui est humain en moi disparaît''. Cette étrange alien n'est pas faite pour notre planète...
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Putain, qu'est-ce que t'es belle!'' (un autostoppeur, s'adressant à Scarlett Johansson).

UNDER THE SKIN
(Grande-Bretagne, 1h47)
Réalisation: Jonathan Glazer
Avec Scarlett Johansson, Jeremy McWilliams, Lynsey Taylor Mackay
(Sortie le 25 juin 2014)