Patrice Leconte voyage dans le passé
Est-ce que le désir amoureux résiste au temps? Cette question, désuète aujourd'hui, se posait encore il y a quelques décennies. Elle est au coeur du dernier film de Patrice Leconte, UNE PROMESSE,
tiré d'une nouvelle posthume de Stefan Zweig et tourné en anglais.
Allemagne, 1912. Un jeune diplômé, Friedrich Zeitz (Richard Madden), orphelin d’origine modeste, gravit rapidement les échelons d'une usine de sidérurgie et devient le secrétaire particulier du
patron, Karl Hoffmeister (Alan Rickman), un homme âgé et malade.
L’état de santé de celui-ci se dégrade et lui impose de rester à domicile. Il propose alors à son jeune secrétaire de travailler et de loger dans sa grande demeure, où il vit avec sa jeune femme
Lotte (Rebecca Hall) et leur fils.
Entre le jeune homme et l'épouse de son patron, la passion amoureuse va vite devenir réciproque. Mais sans se révéler au grand jour, sans geste ni parole, tout en regards et en silences.
Ce n'est que quand le patron décide d’envoyer son protégé au Mexique, afin d’y superviser l’exploitation de mines de fer, que les deux amoureux transis osent se déclarer mutuellement leur flamme.
Avec une promesse réciproque: vivre leur amour au retour du jeune homme...
Le film est tiré du Voyage dans le passé, un court roman de Stefan Zweig, ''une merveille de concision'' dans lequel rien n'est inutile ou superflu, souligne Patrice Leconte, qui
pourtant n'est pas un admirateur acharné du grand écrivain autrichien.
''Il n'est question que de sensualité et de désir. Aimer sans savoir si l'on a une chance d'être aimé en retour. Rêver sans pouvoir exprimé son rêve. S'en tenir au secret. Mais vivre et se
nourrir de regards, d'effleurements, de frôlements interdits...''
C'est le 28e film de Patrice Leconte –réalisateur éclectique, des BRONZÉS à LA FILLE
SUR LE PONT en passant par MONSIEUR HIRE ou RIDICULE– et le premier en anglais, plutôt qu'en allemand, langue qu'il ne connaît pas.
Pour cela il est donc allé chercher des acteurs britannique: Rebecca Hall, découverte en 2008 dans VICKY CRISTINA BARCELONA de Woody Allen,
au charme discret et à la sensualité couvant sous la retenue; Richard Madden, une des vedettes de la série télé GAME OF THRONES, un peu
effacé et sans beaucoup de charisme; et Alan Rickman, formidable second rôle habitué aux rôles de méchants (PIÈGE DE CRISTAL, ROBIN DES BOIS PRINCE DES VOLEURS, HARRY POTTER) et ici tout en non-dit et en complexité.
L'histoire de cette PROMESSE n'est pas des plus originales, le rythme et l'action y sont d'une lenteur calculée, mais c'est un film qui fait du bien car il sort de l'ordinaire, loin du bruit et
de la fureur contemporains. C'est une histoire d'amour banale tout en finesse, en délicatesse, en patience, en attente, comme en n'en fait plus au cinéma.
Même si Patrice Leconte a pris quelques libertés avec le roman original –et notamment la fin–, les fans de Stefan Zweig y reconnaîtront cette atmosphère si particulière à l'écrivain autrichien,
cette prépondérance des sentiments face au rouleau compresseur du destin, cette force des caractères humains, cette puissance tranquille et dévastatrice de l'amour.
''J'ai été heureux de tourner un film dans lequel les silences ont autant d'importance que les mots, un film peu bavard, mais où tout est dit'', souligne Patrice Leconte. Tout est dit.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Pourquoi s'interdire un plaisir tant qu'on est encore en vie?'' (Alan Rickman).
UNE PROMESSE
(''A Promise'') (France, 1h38)
Réalisation: Patrice Leconte
Avec Rebecca Hall, Alan Rickman, Richard Madden
(Sortie le 16 avril 2014)