Cousin, cousine
Le président américain multipliait les maîtresses. Bill Clinton? John F. Kennedy? Non, avant: Franklin D. Roosevelt. Le 32e président des Etats-Unis (1933-1945), celui de l'entrée en guerre contre l'Allemagne nazie, avait notamment un faible pour Daisy, une cousine éloignée, qu'il invitait souvent dans sa maison de campagne de Hyde Park, à 150 kilomètres de New York, près du fleuve Hudson.
Il lui montrait sa collection de timbres, elle lui faisait des gâteries dans sa décapotable, tous deux partaient pour de longues virées dans la campagne, au milieu des bois et des champs de fleurs. Daisy était une des rares personnes à pouvoir faire oublier au président le poids du monde et des responsabilités. Leur liaison est restée secrète jusqu'à la mort de Daisy, dans sa 100e année, à la fin des années 80.
Bon, tout cela ne fait que la moitié d'un film. Le Britannique Roger Michell, réalisateur notamment de COUP DE FOUDRE À NOTTING HILL, a choisi de mettre la petite histoire dans la grande et de raconter cette romance présidentielle pendant un week-end royal: en juin 1939, trois mois avant le début de la Seconde guerre mondiale, le roi George VI et son épouse Elizabeth effectuèrent la première visite d'un monarque britannique aux Etats-Unis. Il s'agissait, pour le roi d'Angleterre, d'obtenir le soutien des Américains avant d'entrer en guerre.
La presse fut invitée à immortaliser ce week-end lors d'un pique-nique dans une des demeures de la propriété. Au menu: une salade verte, des hot-dogs et des gâteaux aux fraises. Le roi d'Angleterre croquant un hot-dog lors d'un pique-nique, ce fut l'une des photos spectaculaires de cette visite.
George VI était bègue (oui, c'est le personnage du DISCOURS D'UN ROI), Roosevelt souffrait de la polio et se déplaçait en fauteuil roulant. Le film raconte ce week-end pas comme les autres au cours duquel le président américain, pris entre les feux de sa femme, de sa mère et de sa secrétaire, s'intéresse tout autant à Daisy qu'aux affaires internationales. Dans une atmosphère bucolique, Bill Murray se délecte à porter des chapeaux de paille et à se déplacer avec des béquilles, l'oeil malicieux, en buvant des cocktails en cachette de son entourage, tandis que les fossettes et le sourire de Laura Linney font de Daisy une délicieuse, discrète et tendre cousine.
Pour George VI, il fallait mordre dans le hot-dog de Roosevelt pour gagner la Seconde guerre mondiale, résume le réalisateur en racontant l'Histoire par le petit bout de la lorgnette: ''Le week-end à Hyde Park on Hudson, douze semaines avant le début de la guerre, est bien plus qu'une date charnière de l'Histoire; c'est un moment où le plus petit geste a un écho retentissant'', dit-il. ''Comme la théorie selon laquelle le seul battement d'ailes d'un papillon peut déclencher une tornade à l'autre bout du monde, le fait de mordre dans un hot-dog (en l'occurrence une saucisse de Francfort) conduira finalement à Omaha Beach et à la victoire de l'Europe''.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Vous me manquez tout le temps. Tout le temps'' (Bill Murray, en Franklin D. Roosevelt, à sa cousine Daisy, Laura Linney).
(''Hyde Park on Hudson'') (Grande-Bretagne, 1h35)
Réalisation: Roger Mitchell
Avec Bill Murray, Laura Linney, Samuel West
(Sortie le 27 février 2013)