THE PALACE

Le crépuscule de Polanski

Au Palace Hotel, c'est la fête pour le passage à l'an 2000 (©CAB Productions/Swashbuckler Distribution).
Au Palace Hotel, c'est la fête pour le passage à l'an 2000 (©CAB Productions/Swashbuckler Distribution).

Démoli par la critique internationale lors de sa présentation hors-compétition à la dernière Mostra de Venise en septembre 2023, le dernier film de Roman Polanski, THE PALACE, sort dans les salles françaises ce mercredi 15 mai. Une satire acerbe du monde des ultra-riches, un peu caricaturale et outrancière mais qui n'est pas la catastrophe annoncée.

Au Palace Hotel, établissement 5-étoiles dans les Alpes suisses, on se prépare au réveillon du 31 décembre 1999 et au passage à l'an 2000. Le directeur (Oliver Masucci) ne sait plus où donner de la tête pour satisfaire les exigences de ses riches clients, mais fait de son mieux.

Milliardaire texan

Il y a là un milliardaire texan, Arthur William Dallas-III (John Cleese), 97 ans et une fortune estimée à 7,5 milliards de dollars, qui offre un pingouin vivant à sa jeune et plantureuse épouse de 22 ans pour leur premier anniversaire de mariage. Il y a là aussi un ancien acteur du porno, un chirurgien esthétique dont la femme souffre de la maladie d'Alzheimer, des femmes arabes entièrement voilées de noir.

Une aristocrate française (Fanny Ardant) a des ennuis avec son petit chien, à qui elle donne du caviar à manger: il ne peut déféquer que sur l'herbe –alors on installe un bout de pelouse dans sa salle de bains.

Eltsine et Poutine

Accompagnés de cinq prostituées, trois collaborateurs et trois gardes du corps de l'ambassadeur de Russie, attendu dans la soirée, exigent une chambre forte pour entreposer plusieurs valises remplies de billets. En direct à la télévision, ils assistent à l'annonce de la démission de leur président Boris Eltsine, qui va céder le pouvoir à Vladimir Poutine.

Quant à William Crush (Mickey Rourke), escroc américain à la perruque blonde et au teint orangé façon Trump, il attend la visite d'un banquier suisse (Milan Peschel) pour trafiquer ses comptes grâce au bug de l'an 2000. Mais, moi attendu, son fils inconnu, né de ses amours de jeunesse à Prague, débarque par surprise avec sa femme et ses deux jumelles…

Comédie provocatrice

Alors que l'humanité voyait en ce XXIe siècle la promesse de jours meilleurs, "THE PALACE est avant tout une comédie provocatrice, parfois amère, parfois frivole et excentrique, qui laissera le spectateur avec une question persistante: qu'est-ce qui n'a pas fonctionné?", expliquait Polanski dans sa note d'intention au moment de la présentation du film à Venise. C'est, pour lui, "une comédie montrant la naïveté, l’hédonisme, la corruption et les inégalités sociales qui sont à l’origine des problèmes actuels du monde".

Se moquer avec humour du monde des riches et des privilégiés n'est pas chose facile. Récemment le réalisateur suédois Ruben Östlund s'y était réussi avec ses deux Palmes d'or au Festival de Cannes, THE SQUARE (2027) et SANS FILTRE (2022). Ici Roman Polanski, dont l'humour n'a jamais été le point fort, rate en partie la cible.

Acteurs inégaux

En effet le ton sarcastique de THE PALACE n'empêche pas le film d'être rarement drôle, parfois de mauvais goût, avec des acteurs inégaux. John Cleese est savoureux mais Mickey Rourke fait peine à voir avec son visage botoxé et son teint hâlé (qui n'ont rien d'un rôle de composition), et l'on se demande ce que vient faire Fanny Ardant dans cette galère.

Mais le film, avec ses différentes intrigues originales ou amusantes, sa réalisation rythmée et propre, et certains personnages crédibles ou pittoresques, n'est pas l'horreur décrite par la majorité des critiques déchaînés lors de la Mostra. Comme pour Woody Allen, la presse et les milieux du cinéma ont désormais tendance à juger les films de Polanski à l'aune de ses ennuis avec la justice, pour des accusations de viols et d'agressions sexuelles.

Crépuscule

C'est le 24e film, et peut-être le dernier, du réalisateur franco-polonais, au crépuscule de sa vie (il aura 91 ans en août). THE PALACE est loin des chefs d'œuvre ROSEMARY'S BABY, CHINATOWN, TESS ou J'ACCUSE, mais est loin d'être aussi monstrueux que ses personnages.

C'est une petite compagnie française, Swashbuckler, habituellement spécialisée dans la ressortie de films de patrimoine, qui a décidé de distribuer le film en France. Pied de nez ou provocation: cette sortie a lieu en pleine ouverture du Festival de Cannes –là où Polanski avait obtenu la Palme d'or en 2002 pour un autre de ses chefs d'œuvre, LE PIANISTE.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"La fin du monde n'arrivera pas" (le directeur de l'hôtel à son personnel, quelques heures avant le passage à l'an 2000).

 

The Palace

(France/Italie/Suisse/Pologne, 1h41)

Réalisation: Roman Polanski

Avec Fanny Ardant, John Cleese, Mickey Rourke

(Sortie le 15 mai 2024)


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